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RDC : il n’y avait pas de machines à voter dans l’entrepôt de la CENI qui a brûlé (témoins)

Le président de la CENI, Corneille Nangaa s'est rendu sur place après l'incendie ayant ravagé un entrepôt de la CENI jeudi 13 décembre dans la nuit avenue du Haut commandement à Kinshasa. Cependant, de nombreux doutes subsistent au sujet de cet incident © CENI RDC

Jeudi 13 décembre dans la nuit, à Kinshasa, sur l’avenue l’avenue du Haut Commandement à Kinshasa, un entrepôt de la CENI avait été ravagé par les flammes. 

Aussitôt, les proches de Joseph Kabila ont réagi pour dénoncer un acte criminel qui a détruit le matériel électoral destiné à la ville de Kinshasa. Le coupable selon eux ? L’opposition qui chercherait à retarder les élections (lire notre précédent article à ce sujet).

Quelques heures plus tard, la CENI, dans un communiqué d’une rare précision, a dressé un bilan – tiré au cordeau – du matériel électoral détruit : près de 8 000 machines à voter sur les 10 368, 3 774 isoloirs sur les 8 887, 552 kits bureautiques, près de 9 500 batteries externes, etc.

Problème : sur les sept personnes que nous avons interrogés et qui ont eu accès ces derniers jours à cet entrepôt, situé dans une zone très sécurisée (à 500 m de la base de la police anti-incendie, 100 m du camp militaire Kokolo, 200 m de la base logistique des FARDC, etc), toutes sont catégoriques : il n’y a jamais eu dans ce lieu plus d’une dizaine de machines à voter. Élément troublant : des photos ont circulé du bâtiment calciné, ainsi que des voitures brûlées à l’extérieur. Mais de machines à voter dévastés par le feu point d’images, alors que les autorités auraient sans doute été ravies de nous les montrer.

En réalité, le retard dans le déploiement des machines à voter est considérable. Seuls 37 000 sur les 105 000 attendues sont arrivées en RDC. Et encore, seule une infime partie d’entre elles sont fonctionnelles et ont été effectivement déployées (lire notre précédent article, très précis, à ce sujet). A cet égard, l’incendie de jeudi est du pain béni pour le pouvoir. Il lui offre un utile prétexte pour se dédouaner de sa responsabilité dans l’organisation des élections.

Les proches de Joseph Kabila ont d’ailleurs prévu la suite. Sous 48 heures, une réunion inter-institutionnelle devrait être convoquée par le président (hors-mandat). Elle devrait réunir entre autres le premier ministre, les président de l’Assemblée nationale, du Sénat, de la Cour constitutionnelle, de la CENI, etc., ainsi que celui du CNSA, Joseph Olenghankoy, qui ferait à cette occasion son grand retour sur le devant de la scène.

C’est d’ailleurs dans cette perspective que Joseph Kabila a ressuscité cette institution totalement endormie depuis plus d’un an en signant le 13 novembre dernier, soit dix jours à peine avant le début de la campagne électorale, l’ordonnance-loi conférant une existence officielle à cette institution qui, jusqu’à présent, fonctionnait sans personnalité juridique.

En effet, c’est à ce Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral (CNSA) qu’il serait demandé de reprendre les choses en main. Comprendre, faire constater qu’en dépit des efforts acharnés des autorités, compte tenu de l’incident qui a eu lieu jeudi dernier dans la nuit, un report technique serait nécessaire à la bonne tenue des élections. Dans ce scénario, la Cour constitutionnelle serait saisie par la CENI, après avis du CNSA, pour avaliser la décision de report du scrutin.

Il faut dire que Joseph Kabila et les stratèges de la MP sont particulièrement inquiets de voir que, sur le terrain, la candidature de Ramazani Shadary ne prend pas (voir les images dévastatrices du candidat en Ituri notamment). Leur inquiétude est d’autant plus vive qu’à l’inverse, l’opposant Martin Fayulu mobilise les foules d’est en ouest. Une situation qui rend plus compliquée la justification d’une victoire du dauphin de Joseph Kabila le 23 décembre prochain.

Reste toutefois un autre scénario auquel Joseph Kabila, qui garde toujours deux fers au feu, n’a pas encore renoncé : celui consistant à redéployer sur Kinshasa des machines à voter destinées à être disposées en province. Le scrutin aurait en ce cas bien lieu le 23 décembre prochain mais avec beaucoup moins de machines que théoriquement prévu. Un scrutin a minima en somme, organisé dans des conditions chaotiques.

L’après 23 décembre en RDC, qu’il y ait élections ou pas, s’annonce très tendu.