Arrêté il y a un an presque jour pour jour, le 31 mai 2023, avant de passer dix mois en prison et bénéficier finalement d’une liberté provisoire, Salomon Idi Kalonda Della n’a pas perdu son temps. Elu haut-la-main député provincial dans le Maniema en décembre dernier sans avoir pu battre campagne, puis sénateur dans le Haut-Katanga quelques mois plus tard en avril, l’opposant, opéré à Bruxelles il y a quelques semaines, a fait une entrée très remarquée à la Chambre Haute ce mercredi 5 juin.
C’est l’événement politique du jour en RDC. Et une fois n’est pas coutume, on le doit à un opposant.
Ce mercredi dans la matinée, à Kinshasa, Salomon Kalonda a fait son entrée au Sénat, accompagné d’une foule de supporters, aussi joyeuse que bruyante. « Du jamais vu sous cette législature ! », s’exclame un fonctionnaire de l’institution.
L’opposant, membre d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, était de retour dans la capitale RD congolaise deux mois après son évacuation sanitaire, autorisée par la Cour militaire début avril, à l’étranger.
Dix mois plus tôt, le 30 mai 2023, M. Kalonda avait été brutalement arrêté à l’aéroport de Ndjili-Kinshasa et jeté à la prison militaire de Ndolo. « Officiellement, on lui a reproché le port d’une arme qu’il n’a jamais eue dans une manifestation à laquelle il n’a jamais participé. Ou encore des contacts imaginaires avec des officiels rwandais », déplorait il y a quelques mois un de ses avocats.
Mais pas plus les Congolais que les observateurs internationaux ne sont dupes. « Si Salomon (Kalonda) a été arrêté, c’est pour faire dérailler la campagne électorale de Moïse Katumbi. Et ça a fonctionné. Son absence s’est faite cruellement sentir. Avec Salomon, les choses auraient pu se passer différemment », commente avec amertume un haut-cadre d’Ensemble. Un avis largement partagé au sein du parti.
Pour autant, le moins que l’on puisse dire, c’est que, malgré la prison, Salomon Kalonda n’a pas perdu son temps. Elu haut-la-main député provincial de Kindu en décembre (il est la personnalité politique de la province à avoir obtenu le plus grand nombre de voix), il a récidivé quatre mois plus tard, en avril de cette année, en se faisant élire sénateur dans une autre province, le Haut-Katanga, avec 11 voix sur 11 du côté de l’opposition.
Ce mercredi au Sénat, M. Kalonda est donc venu « s’enregistrer », une formalité administrative destinée à valider son mandat.
A la sortie, dans les escaliers, il a été stoppé par une nuée de journalistes venus l’interroger. « Aucun député, aucun sénateur n’a attiré autant de monde », s’amuse un confrère, habitué des palais de la République, qui a dû jouer des coudes pour poser une question à la star du jour.
Non au changement de la Constitution
A un journaliste qui pointait du doigt la très faible représentation de l’opposition au Sénat (à peine 3 sénateurs sur la centaine déjà élue), M. Kalonda a rétorqué que « pour défendre des causes justes, le nombre importe peu. Autant on a besoin du nombre pour exister politiquement, autant on a pas besoin du nombre pour plaider les causes justes », a-t-il souligné, précisant qu’« aujourd’hui, les causes justes, c’est le bien-être de la population ».
L’opposant, flanqué de Francis Kalombo d’un côté et Dieudonné Bolengetenge de l’autre, deux responsables d’Ensemble jusque-là en froid, a toutefois plaidé pour une meilleure représentation de l’opposition au Bureau du Sénat. « Il ne faut pas réduire l’opposition à un rôle protocolaire. La démocratie respire avec l’opposition. S’il n’y a pas d’opposition dans un pays, il n’y a pas de démocratie. Nous avons choisi l’opposition républicaine. Eh bien, ça doit se voir dans les institutions », a-t-il martelé, regrettant qu’au Bureau de l’Assemblée nationale, l’opposition ne s’est vue attribuer que le poste subalterne de rapporteur adjoint.
Mais c’est sans doute le propos sur le projet, prêté au pouvoir, de modifier la Constitution qui a attiré le plus l’attention. « Dans cette chambre que j’appellerais la chambre des sages, j’aurais un conseil sage à donner. Le pays est très fragile. Il ne faut pas le fragiliser davantage. Il faut donc se garder d’entreprendre toute action qui fragiliserait encore davantage le pays », a tonné l’opposant, réputé pour ses qualités de stratège.
Epaisseur politique nouvelle
Salomon Kalonda devrait siéger au Sénat une quinzaine de jours avant de repartir à Bruxelles pour y subir des soins. « Peut-être qu’on me voit aujourd’hui et que l’on dit : Ah, il est en bonne santé. La réalité, c’est que je dois continuer de me battre contre la maladie. Je devrais donc retourner (à Bruxelles) pour continuer les soins, me remettre définitivement sur pied pour remplir mon mandat ».
Mais Salomon Kalonda ne devrait pas s’attarder dans la capitale belge. La prochaine audience dans le cadre de son procès a été fixée au 3 juillet prochain. « Salomon est innocent. Son dossier est vide. Aucune des accusations portées contre lui ne tient. Tout ça n’a été qu’une cabale politique. Mais la vérité a fini par éclater. C’est pourquoi nous avons bon espoir que les accusations portées contre lui soient levées », veut croire un de ses proches.
Autrefois essentiellement connu pour être le bras droit de Moïse Katumbi, Salomon Kalonda a sans conteste pris de l’épaisseur politique. L’accueil qu’il a reçu ce mercredi au Sénat vient le confirmer.