« Le parquet général a émis un mandat d’arrêt international contre M. Katumbi », ont fait savoir les autorités de Kinshasa aujourd’hui. Une initiative vouée à l’échec sur le plan juridique mais qui, symboliquement, témoigne de l’acharnement de Joseph Kabila à l’encontre de celui qu’il tient pour responsable de l’avoir empêché de briguer une candidature à un troisième mandat.
« A ce niveau-là, ça n’est plus de l’acharnement, c’est de l’obsession ! », sourit un opposant. Ce matin, le gouvernement RD congolais a annoncé avoir émis un mandat d’arrêt international contre Moïse Katumbi, en exil forcé depuis 2016.
Une initiative qui ne laisse d’interroger plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme en RDC. « Pour quel motif et sur quelle base légale ce mandat a-t-il été lancé ? », se demande le responsable de l’une d’entre elles, faisant observer qu’aucune des actions en Justice (pourtant nombreuses) intentées à l’encontre de M. Katumbi n’était susceptible de donner lieu à l’émission d’un tel mandat.
Mais pour cet autre défenseur des droits de l’Homme, le plus rocambolesque dans tout cela est la suite du propos du ministre de la Justice. Moïse Katumbi serait, selon lui, un « fugitif » qui n’aurait jamais voulu rentrer en RDC où la police était prête à l’arrêter. « M. Katumbi n’a jamais dépassé la barrière zambienne pour entrer dans la zone neutre et arriver à la frontière du Congo […] S’il avait voulu entrer sur le territoire, on aurait donné l’autorisation […] », a-t-il déclaré. Une version totalement contredite par les autorités zambiennes et les très nombreux témoins présents sur place.
En réalité, ce mandat d’arrêt n’a aucune chance d’être exécuté. D’une part, cet acte est délivré par un ministre, Alexis Thambwe Mwamba, qui fait l’objet de poursuites de la part de la Justice belge pour crime de guerre et crime contre l’humanité. Celui-ci a en effet fait abattre un avion qui transportait des civils en octobre 1998 près de Kindu, un acte qu’il a publiquement revendiqué à une époque où il était membre du RCD, une rébellion hostile au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. En termes de crédibilité, sans doute eut-il été possible de faire mieux.
D’autre part, sur un plan strictement juridique, ce mandat d’arrêt – pompeusement qualifié d’ « international » alors qu’il ne s’agit en réalité que d’un mandat délivré par les autorités nationales et porté à la connaissance de quelques pays d’Afrique et d’Europe – n’a, pour diverses raisons, absolument aucune chance d’être exécuté.
« Joseph Kabila n’a en réalité qu’un seul opposant : c’est Moïse Katumbi »
En réalité, si l’entourage de Joseph Kabila a pris cette initiative, c’est pour deux raisons. La première, c’est afin ne pas perdre la face suite à l’abracadabrantesque épisode de Kasumbalesa début août. Le régime du président (hors mandat) RD congolais s’était en effet donné en ridicule après avoir empêché à deux reprises M. Katumbi de rentrer en RDC alors même que Kinshasa avait clamé haut et fort durant des mois vouloir l’arrêter. Pourquoi émettre un mandat d’arrêt aujourd’hui en convoquant les médias alors qu’il aurait été si facile de mettre la main sur ce « fugitif » il y a quelques jours ? Tout cela est incohérent, pour ne pas dire insensé.
La seconde raison tient au fait que Joseph Kabila voue désormais une haine féroce à l’endroit de Moïse Katumbi, qu’il considère comme le principal fossoyeur de son projet de troisième mandat. L’émission de ce mandat d’arrêt est donc une énième illustration de son acharnement à l’encontre de l’ex-gouverneur du Katanga. « Le renoncement à un troisième mandat de la part de Joseph Kabila plonge ses racines dans le discours de Moïse [Katumbi] le 23 décembre 2015 et ça le président ne lui a jamais pardonné. C’est ce qui explique son obsession contre M. Katumbi », explique un ex-proche du président qui reconnaît que « l’activisme [de l’ex-gouverneur du Katanga] sur la scène diplomatique explique une bonne partie du degré de pression élevé de la communauté internationale et des pays de la sous-région sur les autorités [de RDC] ». Reste que malgré tout ce que Moïse Katumbi a déjà enduré (agression physique, actions judiciaires, exil forcé, manœuvres financières, etc.), celui-ci n’a jamais ni ployé ni renoncé, au grand dam de Kinshasa.
« Joseph Kabila n’a en réalité qu’un seul opposant : c’est Moïse Katumbi », lâche à la fin de notre échange cet ancien proche du chef de l’Etat. A en juger par le degré d’acharnement du régime de Kinshasa à l’encontre du héraut du « troisième faux pénalties », on est porté de le croire.