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Joseph Kabila piégé par Moïse Katumbi à la frontière entre la Zambie et la RDC

Moïse Katumbi acclamé par la foule à son arrivée à Kasumbalesa à la frontière entre la Zambie et la RDC @ Diaspora Katanga – Twitter

En refusant explicitement l’accès au territoire congolais à l’opposant Moïse Katumbi, le régime de Kinshasa a commis une violation flagrante du droit congolais et international. Surtout, Joseph Kabila a perdu le peu de crédibilité qui lui restait aux yeux de la communauté international et des dirigeants de la sous-région. 

Il est des victoires apparentes qui ont un arrière-goût de défaites car elles sont obtenues au prix de lourdes pertes. On les qualifie de victoires à la Pyrrhus. La décision explicite de Kinshasa de refuser ce jour l’entrée sur le territoire congolais à l’opposant Moïse Katumbi est de celles-là.

Jusqu’au bout, le régime de Joseph Kabila aura tout fait pour éviter d’en venir à ce qu’il considère comme une extrémité, multipliant les intimidations pour dissuader Moïse Katumbi d’essayer de rentrer chez lui. « Dans un premier temps, ce sont les autorités aériennes congolaises qui ont interdit au jet privé de l’homme d’affaires d’atterrir à l’aéroport Luano de Lubumbashi. Puis, le maire de la capitale de l’ex-Katanga a ensuite informé l’ancien gouverneur que son retour n’était pas souhaitable en ville et pouvait créer des troubles à l’ordre public. Enfin, le parquet a prévenu dans un communiqué, que Moïse Katumbi était  »inculpé » pour  »atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’État » et qu’il serait « en état d’arrestation immédiate » en cas de retour », rappelle le journaliste Christophe Rigaud du site d’information Afrikarabia. Mais rien y a fait. Avoir avoir échoué à passer la frontière hier à Kasumbalesa, ville située entre la Zambie et la RDC, Moïse Katumbi a retenté sa chance ce samedi 4 août peu avant 17h00 (heure locale).

La différence, c’est qu’hier, les autorités RD congolaises s’étaient renvoyées la balle les unes vers les autres évitant ainsi de prendre toute décision expresse de refus et attendant la nuit et la fermeture du poste frontière. « Nous attendons l’ordre de la hiérarchie et la sécurisation complète du tronçon entre Kasumbalesa et Lubumbashi pour libérer le cortège de M. Katumbi », avait tenté de justifier le commissaire principal de police de Kasumbalesa. Un stratagème qui a permis à Lambert Mende, le ministre de la communication de RDC, il est vrai connu pour prendre de grandes distances avec la vérité, de déclarer que « Katumbi ne s’[était] pas présenté à un poste frontalier de la RDC […] Des personnes l’ont vu à Kasumbalesa mais pas au poste frontalier avec la RDC. Parce que s’il s’est présenté au poste frontalier avec la RDC, on aurait fait rapport au gouvernement, mais on a vérifié il n’y a pas eu une demande de sa part. » Des allégations contredites par les nombreux témoignages, photos, vidéos et les déclarations officielles des autorités zambiennes.

Mais la posture ne pouvait être tenue très longtemps. En se représentant en fin d’après-midi au poste frontière de Kasumbalesa, cette fois-ci les autorités RD congolaises n’ont pu échapper à leurs responsabilités. C’est Olivier Kamitatu, qui a donné l’information peu après 17h00. « Le gouvernement zambien vient de signifier officiellement au Président Moise Katumbi le refus des autorités de Kinshasa de le laisser franchir la frontière pour rentrer dans son pays », a indiqué sur son compte Twitter le directeur de cabinet et porte-parole de Moïse Katumbi.

« Quand vous jouez aux échecs, vous devez avoir plusieurs stratégies en tête »

Les autorités de RDC, elles, se sont bien gardées pour l’instant de communiquer à ce sujet. Et pour cause. En se présentant à la frontière entre la Zambie et la RDC, malgré les nombreuses tentatives d’intimidation de Kinshasa, Joseph Kabila était de toute façon déjà piégé. Soit il laissait entrer Moïse Katumbi mais il aurait était impensable pour l’opinion publique, les pays de la sous-région et la communauté internationale, de le mettre en prison. Soit il lui interdisait l’entrée sur le territoire. C’est cette deuxième option, la moins mauvaise de son point de vue, qu’il a finalement retenue. Mais ce faisant, Joseph Kabila a été poussé à la faute par son rival, Moïse Katumbi.

Sur un plan rhétorique, ce dernier a contraint les autorités congolaises à se contredire : elles qui avaient claironné vouloir le jeter en prison ont tout fait pour ne pas l’arrêter. Sur le plan juridique, il a contraint Kinshasa à prendre une décision arbitraire, totalement injustifiable tant du point de vue du droit international que du droit congolais et cela ne sera pas sans conséquence. Sur le plan politique (sans doute l’aspect le plus important), il a poussé Joseph Kabila à se découvrir et à perdre le peu de crédibilité qu’il lui restait encore. Les promesses faites à certains dirigeants de la sous-région n’auront, au final, pas été tenues. C’est ce qu’a permis de démontrer l’événement du jour à Kasumbalesa.

Réagissant sur RFI peu après le refus de Kinshasa, Olivier Kamitatu a déclaré que « Joseph Kabila n’avait pas à choisir qui doit participer ou non aux élections » et que « Moïse Katumbi allait saisir toutes les instances régionales, continentales jusqu’à l’ONU»

Joint par téléphone, un autre des proches de l’ex-gouverneur du Katanga préfère user d’une métaphore pour résumer la situation. « Quand vous jouez aux échecs, vous devez avoir un plan A, B, C, etc., autrement dit plusieurs stratégies. Car, si vous n’avez qu’un seul coup en tête, vous prenez le risque d’être bloqué », glisse celui-ci de manière elliptique. Joseph Kabila est prévenu, la partie est loin d’être terminée.