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Sans même attendre la fin de la visite du Pape en RDC, les partisans de Félix Tshisekedi s’en prennent au Cardinal Ambongo

Le Pape François et le Cardinal Ambongo ont réussi leur coup en RDC (photo prise le 3 février 2023 au Stade des Martyrs de Kinshasa) © Twitter / Primature RDC

Omniprésent aux côtés du Pape tout au long de sa visite de trois jours en République démocratique du Congo, l’Archevêque de Kinshasa en a été l’une des grandes vedettes. Très populaire dans le pays, le prélat a su profiter de l’attention internationale pour alerter sur la situation déplorable que connait le pays, de même que sur la nécessité d’élections crédibles, transparentes et inclusives afin de redonner espoir au peuple, en particulier à la jeunesse. 

Les autorités RD congolaises ont pourtant tout fait pour l’écarter. Dès les premières minutes de l’arrivée du pape en RDC à l’aéroport de N’Djili, ce mardi 31 janvier aux environs de 14h30, Monseigneur Ambongo, représentant du Souverain pontife dans le pays, est interdit d’accès au tarmac de l’aéroport de N’djili par l’entourage du premier ministre Sama Lukonde. Relégué au rang de simple invité, Mgr Ambongo est prié d’attendre l’installation du pape dans le salon officiel pour le saluer.

Le soir, revenant sur cette inélégance, le Pape François ne se prive pas de faire part à son entourage de son « étonnement ». Tirant les leçons de cet événement, les deux hommes ne se quitteront désormais plus d’une semelle.

Tribune providentielle

Le lendemain, ils vont se rattraper. Et de quelle manière ! A l’aéroport de N’dolo, ce mercredi 1er février au matin le Pape célèbre une messe devant un million de fidèles. Mais aussi devant les caméras du monde entier. L’Archevêque de Kinshasa le sait. C’est une tribune providentielle pour faire passer, dans le pays comme sur le reste du globe, les messages qui lui tiennent à cœur. En quelques secondes et quelques mots, s’adressant au pape à l’issue de la messe, Mgr Ambongo va annihiler des mois, sinon des années, de propagande.

« Ce peuple congolais est aujourd’hui confronté à une crise multiforme : conflits armés, particulièrement à l’est du pays, crise économique et misère sociale. Saint Père, le peuple qui vous accueille aujourd’hui est un peuple qui souffre dans son corps et dans son âme », déclare d’une voix forte et ferme le Cardinal Ambongo égrainant le chapelet de misères dont le pays et sa population sont affublés. Loin, très loin de l’image d’un Congo supposément réformé et redressé que tente de dépeindre à grands frais le régime de Kinshasa.

Et tout comme le Pape la veille, le Cardinal Ambongo ne se prive pas d’évoquer les élections à venir, seul moyen dans son esprit comme dans celui de la vaste majorité des Congolais, d’espérer un véritable changement. « Votre visite intervient durant une année électorale qui est souvent source de tensions politiques, avec ce message que vous nous apportez, nous espérons se tenir des élections libres, transparentes, inclusives et apaisées ».

Objectif rempli

Le Cardinal peut être satisfait. Il a rempli son objectif : prendre à témoin le pape et, au-delà, la communauté internationale dans son entier. Les élections prévues en 2023 en RDC ne devront pas ressembler à celles de 2018 à l’issue desquelles cette communauté internationale, trop heureuse d’avoir obtenu le départ de Joseph Kabila après 18 ans de pouvoir, avait fini par fermer les yeux sur la non-élection de M. Tshisekedi. Un « arrangement à l’africaine », avait alors évoqué, non sans condescendance, le ministre français des Affaires étrangères de l’époque.

Le Cardinal Ambongo peut être satisfait. Il a rempli son objectif. Dans le camp de Félix Tshisekedi, en revanche, on fulmine. La visite du Pape qui aurait dû être pour l’actuel président une sorte de consécration, a viré au fiasco (lire notre autre article). Sans attendre le départ ce vendredi matin du pape François de Kinshasa pour à Jouba au Soudan du Sud, le jeudi soir, Augustin Kabuya, le secrétaire général de l’UDPS, le parti de M. Tshisekedi s’en est pris violemment au Cardinal Ambongo, le qualifiant d’ingrat et lui reprochant d’avoir parlé devant le Pape – et les caméras du monde entier – d’ « élections inclusives ». Des propos pleins de ressentiment qui trahissent la fébrilité du camp Tshisekedi à quelques mois d’une présidentielle qu’ils savent difficile, sinon impossible à remporter, sans une fraude massive.

Mesquinerie et ironie

Quelles heures plus tôt, à l’entrée du Stade des Martyrs, quelques jeunes, payés une centaine de francs CFA, avaient brandi, sous le regard complaisant des forces de l’ordre, des banderoles traitant l’Archevêque de voleurs et de corrupteurs. Une mesquinerie dont seuls les médias pro-pouvoir se sont fait l’écho.

Ironie de l’histoire, peut-être qu’au final Félix Tshisekedi dira merci au Cardinal Ambongo. Ce 1er février à N’dolo, si le Pape s’est levé pour saluer le président et son épouse, installés à la tribune pour assister à la messe à l’aéroport de N’dolo, c’est grâce à l’Archevêque de Kinshasa qui, se trouvant à ses côtés dans la papamobile, d’un geste discret, a tiré sur sa soutane pour l’alerter… (voir vidéo ci-dessous)