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Pour Félix Tshisekedi, la visite du Pape François en RDC vire au fiasco

Certains aspects du discours du Pape François lundi 31 janvier au Palais de la Nation ont pu donner des sueurs froides à Félix Tshisekedi © Capture d'écran / RTNC

Loin d’être la tribune espérée par Félix Tshisekedi pour revaloriser son image, la visite de trois jours du Souverain pontife en République démocratique du Congo, événement à l’écho international, a mis en exergue la très forte impopularité de son régime. Retour en quelques séquences sur un fiasco pour le président RD congolais.

D’abord, les remontrances du pape François. Lundi 31 janvier, aux environs de 17h00, soit 2h30 seulement après avoir atterri à l’aéroport de N’djili-Kinshasa, le Pape François s’adresse au Palais de la Nation aux « autorités ». Et au premier chef, au président Félix Tshisekedi.

Sous ses atours policés, le discours est incisif. Certes, le pape François dénonce le « colonialisme économique ». « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin !», cingle le Pape.

Mais le Souverain pontife ne se contente pas, au grand dam de M. Tshisekedi, de rejeter la faute à l’extérieur. Ce sont bien les dirigeants congolais qu’il pointe du doigt lorsqu’il fustige la « corruption » ou encore le « tribalisme », deux des principales caractéristiques prêtées au régime de Félix Tshisekedi. « Le pouvoir n’a de sens que s’il devient service », martèle le Pape François qui rappelle la nécessité de respecter la justice dans un pays où celle-ci n’a de cesse d’être instrumentalisée par le pouvoir politique. « Il y a des siècles, saint Augustin né sur ce continent, se demandait déjà : Si la Justice n’est pas respectée, que ce sont les Etats, sinon des bandes de voleurs ? », tonne-t-il.

Le Souverain pontif ne craint pas non plus d’aborder le sujet sensible des élections, rappelant « combien il est important de […] favoriser des élections libres, transparentes et crédibles ». A cet instant précis, les oreilles gauches du président et de son entourage ont dû particulièrement siffler. Ceux-ci sont soupçonnés, non sans raison, de vouloir biaiser le processus électoral afin de favoriser une fraude massive, seul moyen selon les observateurs sérieux de permettre à M. Tshisekedi d’obtenir un second mandat.

Puis, l’ovation au Cardinal Ambongo. Au deuxième jour de sa visite en RDC, le Pape François se rend à N’dolo pour y célébrer une messe devant, dit-on, un million de fidèles. Un chiffre plausible. La RDC est le pays d’Afrique qui compte le plus de catholiques. L’événement n’est pas simplement national, il a un retentissement mondial. L’Archevêque de Kinshasa, le Cardinal Ambongo, très populaire au Congo, le sait. Devant le Pape, devant ce million de Congolais physiquement présents et devant les télés du monde entier, celui-ci compte bien profiter de cette tribune inespérée pour faire passer son message.

« Ce peuple congolais est aujourd’hui confronté à une crise multiforme : conflits armés, particulièrement à l’est du pays, crise économique et misère sociale. Saint Père, le peuple qui vous accueille aujourd’hui est un peuple qui souffre dans son corps et dans son âme », déclare d’une voix forte et ferme le Cardinal Ambongo égrainant le chapelet de misères dont le pays et sa population sont affublés. Loin, très loin de l’image d’un Congo supposément réformé et redressé que tente de dépeindre à grands coups de publi-reportages chèrement payés le régime de Kinshasa.

Et tout comme le Pape la veille, le Cardinal Ambongo ne se prive pas d’évoquer les élections à venir. « Votre visite intervient durant une année électorale qui est souvent source de tensions politiques, avec ce message que vous nous apportez, nous espérons se tenir des élections libres, transparentes, inclusives et apaisées ».

Le Cardinal peut être satisfait. Il a rempli son objectif : prendre à témoin le pape et, au-delà, la communauté internationale dans son entier. Les élections prévues en 2023 en RDC ne devront pas ressembler à celles de 2018 à l’issue desquelles cette communauté internationale, trop heureuse d’avoir obtenu le départ de Joseph Kabila après 18 ans de pouvoir, avait fini par fermer les yeux sur la non-élection de M. Tshisekedi. Un « arrangement à l’africaine », avait alors évoqué le ministre français des Affaires étrangères de l’époque.

Enfin, les slogans de la jeunesse congolaise au Stade des Martyrs. Que cette visite papale aura été longue pour Félix Tshisekedi. Ce jeudi 2 février au matin, 72 heures pratiquement après son arrivée en RDC, le Pape François a rendez-vous avec 80 000 jeunes Congolais, dont beaucoup sont vêtus de tee-shirts à l’effigie du pape, ou même déguisés en souverain pontife, qui se sont massés au Stade des Martyrs de Kinshasa. De cet événement, qui rappelle combien la ferveur religieuse est importante au Congo comme partout ailleurs en Afrique, on retiendra autant, sinon davantage, le tombereau d’applaudissements des jeunes au Pape François que leurs slogans, d’une toute autre tonalité, à l’attention de Félix Tshisekedi. « Fatshi, oyebela, mandat esili », scande de longues minutes à l’unisson le Stade des Martyrs, rappelant à Félix Tshisekedi que son quinquennat était terminé et que l’heure était sans doute venue pour lui de céder la place à plus compétent.

A l’instar des propos du Pape François et du Cardinal Ambongo, ce slogan qui s’est élevé du Stade des Martyrs ce jeudi 2 février a, lui aussi, fait le tour des radios, télévisions et des réseaux sociaux, au Congo comme partout ailleurs dans le monde.