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RDC : Salomon Kalonda Della, « l’otage personnel de Félix Tshisekedi », jeté en prison à Ndolo

C'est Félix Tshisekedi qui a personnellement ordonné le 21 mai dernier l'arrestation de Salomon Kalonda Della, le très efficace bras droit de Moïse Katumbi © DR

Après 12 jours de détention à la Demiap suite à sa brutale arrestation le 30 mai dernier sur le tarmac de l’aéroport de Ndjili/Kinshasa et après avoir hier, samedi 10 juin, été auditionné à l’Auditorat militaire, Salomon Idi Kalonda Della a été transféré dans la soirée, non à Makala comme l’avait décidé le magistrat auditeur de garnison, le colonel Willy Lukusa, mais à la prison de Ndolo sur ordre de la Présidence. Victime de ce qui a tout l’air d’une cabale politique orchestrée depuis la Présidence, le bras droit de Moïse Katumbi sera à nouveau auditionné, dans des conditions moins irrégulières espèrent ses avocats, ce lundi 12 juin à 14 heures. Retour sur 72 heures d’une grande intensité.

Jeudi 8 juin – A 4 heures du matin, un jet privé de la compagnie SJL Aeronautica D2-FIB décolle du tarmarc de l’aéroport de Kinshasa. A son bord, le chef de la Demiap, le général Christian Ndaywel, accompagnés de plusieurs de ses agents. Direction Lubumbashi. Quelques heures plus tard, ils « perquisitionnent » la résidence de Salomon Kalonda Della, située derrière le siège de la Gécamines. On interdit aux avocats d’y assister. La villa est saccagée. Les agents de la Demiap en repartiront avec un coffre dont le contenu, comme ils le découvriront plus tard, est très en deçà de leurs espérances… En parallèle, au même moment, la résidence à Kinshasa où logeait M. Kalonda Della durant son séjour dernier kinois, situé à la Concession 7 villas à la Gombe, est, elle aussi, perquisitionnée. Mais là aussi, les agents de la Demiap, qui ont interdit aux avocats du mis en cause d’assister à l’opération, rentrent bredouille…

Vendredi 9 juin – Après la résidence de Salomon Kalonda, c’est au tour de celle de sa mère, Aziza, d’être « perquisitionnée ». La vieille dame, âgée de 85 ans, est bousculée et insultée. Sa garde-robe est jetée à terre. « Jamais sous Mobutu ou Kabila nous avions vu ça. Une mère en Afrique, en particulier chez nous les Bantus, c’est sacré », s’indigne Moïse Moni Della, le grand frère de Salomon Kalonda, dans une interview au Congo Libéré. Là aussi, la pêche est loin, très loin d’être miraculeuse. Les agents repartiront avec un maigre butin : de vieilles cassettes vidéos et quelques CD…

Samedi 10 juin – Après celles de Salomon Kalonda et de sa mère, c’est au tour de la résidence de sa sœur d’être « perquisitionnée ». Toujours sans la présence des avocats et avec le même insuccès.

Surtout, après 12 jours de faux-plat, les choses commencent à bouger du côté de la procédure. Jugée trop « frileuse » par la Présidence qui tire depuis le départ les ficelles, la Demiap est dessaisie du dossier au profit du général Likulia, jugé – à tort ou à raison – plus expérimenté et surtout plus conciliant.

Dans l’après-midi ce samedi, Salomon Kalonda quitte les locaux de la Demiap, direction l’Auditorat militaire pour être auditionné. Pour la première fois, il a accès à ses avocats. Sous la pression internationale, les autorités congolaises, à court d’arguments juridiques et par crainte de probables sanctions, n’ont eu d’autres choix que de céder. M. Kalonda Della est assisté de 9 avocats, dont Me Mukendi. D’autres, tout aussi nombreux, attendent dehors. L’audition débute à 16h50, heure de Kinshasa. Elle se terminera 1h55 plus tard à 18h45.

Nouvelle audition lundi 12 juin à 14h

Face à M. Kalonda, pour l’interroger le colonel Willy Lukusa Katumbi, magistrat auditeur de garnison près le parquet militaire de l’Auditorat supérieur militaire de la Gombe. « Celui-ci a d’abord procédé à son identification et à celle de ses avocats, puis à la lecture des procès-verbaux contenus dans le dossier de la Demiap », explique l’un des avocats. Après lecture et certification de sa signature, Salomon Kalonda indique que certaines de ses déclarations ont été « tronquées et sciemment dévoyées ». L’opposant demande donc à être réauditionné, dans des conditions, cette fois-ci, conforme à la loi et au respect des droits de la défense. Une demande à laquelle le magistrat instructeur fait droit. Salomon Kalonda sera donc à nouveau auditionné lundi à 14h00. Entre temps, le colonel Willy Lukusa décide de son transfèrement à Makala.

Alors que le cortège de véhicules se dirige vers cette prison bien connue des opposants au régime, un coup de fil est donné de la Présidence. Changement de direction. C’est finalement à la prison militaire de Ndolo, aux conditions d’incarcération plus rudes, qu’est envoyé celui que l’on qualifie déjà, au Congo comme à l’extérieur où l’affaire est suivie comme le lait sur le feu, d’« otage personnel du président Félix Tshisekedi ».

De fait, c’est le président RD congolais qui a personnellement ordonné l’arrestation de Salomon Idi Kalonda Della le 21 mai dernier. A travers cette opération, Félix Tshisekedi espère barrer la route de la présidentielle à Moïse Katumbi et dissoudre son parti Ensemble pour la République en prétextant d’une supposée collusion avec le Rwanda, quitte à fabriquer des preuves comme le montre l’épisode rocambolesque du pistolet Jéricho que les autorités ont faussement tenté d’attribuer M. Kalonda (voir ce tweet de l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo).

A six mois de la présidentielle, le raidissement autoritaire, pour ne pas dire plus, du régime Tshisekedi, est perçu comme un signe de fébrilité. Celui-ci semble douter de plus en plus de sa capacité à se maintenir au pouvoir, y compris en cas de fraude massive. Pas sûr en effet que les Congolais cette fois-ci se laissent faire. Quant à la communauté internationale, elle a tiré les leçons de son erreur de 2019. trop heureuse de voir Joseph Kabila partir après 18 ans au pouvoir, elle avait alors fermé les yeux sur ce que le ministre français des Affaires étrangères avait qualifié d’« arrangement à l’africaine » (l’installation à la présidence de Félix Tshisekedi sur décision de Joseph Kabila au mépris du vote des Congolais qui avaient désigné Martin Fayulu vainqueur à 62 % selon les résultats, très crédibles, tirés de l’observation électorale de la CENCO).

L’Histoire, il est vrai, se répète rarement deux fois de la même manière. Partant, à Kinshasa, de plus en plus nombreux sont les responsables, politiques comme administratifs, du régime Tshisekedi à craindre de devoir, plus tôt que prévu, rendre des comptes. Ce qui explique la prudence de certains, le silence des autres…