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RDC : la décision de la Cour constitutionnelle marque la volonté jusqu’au-boutiste de Joseph Kabila de durcir son bras de fer avec l’UA

Les juges de la Cour constitutionnelle RD congolaise prêtant serment devant Joseph Kabila le 4 juillet 2018 © DR

Ce samedi 19 décembre, la Cour constitutionnelle a, sans surprise, rejeté les recours déposés devant elle et validé la victoire à l’élection présidentielle de Félix Tshisekedi. Cette décision est une tentative de mettre devant le fait accompli l’Union Africaine dont une délégation, avec à sa tête le Rwandais Paul Kagamé, est attendue lundi à Kinshasa afin de contre-carrer le scénario concocté par Joseph Kabila qu’ils estiment dangereux pour la stabilité de la sous-région.

Un verdict éminemment politique mais habillé, comme il se doit, des oripeaux du droit. C’est ainsi que l’on peut lire la décision rendue peu après minuit par la Cour constitutionnelle RD congolaise. Cette dernière a en particulier refusé un recomptage des voix au motif que les plaignants n’auraient apporté aucune preuve, qualifiant même cette requête d’ « absurde ».

Une décision attendue qui ne constitue nullement une surprise, tant la Cour constitutionnelle est connue pour être totalement soumise au pouvoir. Joseph Kabila avait en effet largement remanié en mai dernier la composition de cette juridiction afin d’en accroître le degré de soumission pourtant déjà élevé (lire notre précédent article à ce sujet).

Les juges enfermés à l’hôtel Kempinski, leurs portable confisqués

Pour s’assurer que la Cour constitutionnelle ne défaille pas, les juges et les greffiers qui la composent ont tous été convoqués dès hier après midi, sur ordre de la présidence, à l’hôtel Kempinski de Kinshasa, d’où ils ne ressortiront qu’en début de soirée. Leurs téléphones ont été confisqués. « C’est afin de prévenir toute pression extérieure », tente de justifier une source au sein du Front commun pour le Congo (FCC).

La Cour constitutionnelle avait en théorie jusqu’à lundi minuit pour rendre sa décision. Si la présidence RD congolaise lui a ordonné de presser le pas, c’est afin de couper l’herbe sous le pied de l’Union Africaine dont une délégation de haut-niveau, avec à sa tête le président en exercice de l’organisation panafricaine, le Rwandais Paul Kagamé, se rendra ce lundi à Kinshasa avec la ferme intention de contre-carrer le scénario d’alternance en trompe l’œil concocté par Joseph Kabila que les pays voisins jugent particulièrement dangereux pour la stabilité de la sous-région.

Le fond de cette décision de la Cour constitutionnelle et le timing dans lequel elle a été rendue est tout sauf une surprise pour les diplomates de l’Union Africaine. « C’est une péripétie. Depuis le communiqué de l’organisation jeudi, nous nous y attendions. Joseph Kabila est dans une fuite en avant. Il n’a plus rien à perdre. Il joue son va-tout. Il n’est plus accessible à la discussion. Il ne connaît que le rapport de forces », explique le sherpa d’un président de la sous-région.

Le ministre des Affaires étrangères d’un autre grand pays voisin de la RDC ne disait pas autre chose hier. « Nous nous attendons à ce que la Cour constitutionnelle congolaise rende son verdict avant l’arrivée de la délégation de haut-niveau ce lundi à Kinshasa », nous a-t-il dit sur un ton calme et serein hier par téléphone.

« Si Joseph Kabila est prêt à aller jusqu’au bout, nous aussi »

Ce « passage en force » l’inquiéterait-il pour autant ? « Pas du tout », nous a-t-il répondu du tac au tac. « Aux yeux des chefs d’Etat de l’UA, la décision que la Cour constitutionnelle RD congolaise est susceptible de prendre n’a pas plus de valeur que la décision rendue il y a quelques jours par la CENI. Nous ne sommes plus dans un processus juridique mais purement politique. Une décision, fut-elle prise par la Cour constitutionnelle n’a plus la même valeur. »

« Et puis, vous savez, comme me le rappelait un chef d’Etat ce jeudi à Addis-Abeba », a-t-il poursuivi, « l’UA en a vu d’autres. » Et celui-ci de citer les cas de Laurent Gbagbo en 2010 ou de Yaya Jammeh en 2017 qui, eux aussi, ont tenté de travestir le vote issu des urnes.

Joseph Kabila connaîtra-t-il le même sort que les ex-présidents ivoiriens et gambiens ? Les prochains jours seront, à cet égard, décisifs. « En tout cas, soyez assurés d’une chose », prévient notre interlocuteur à la fin de notre échange dans une formule elliptique et loin de la langue de bois diplomatique habituelle, « nous sommes tout sauf naïfs. Si Joseph Kabila est prêt à aller jusqu’au bout, nous aussi. »