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RDC : Félix Tshisekedi soigne (tardivement) le Kasaï pour tenter de se faire reconduire à la présidence

Félix Tshisekedi en la Cathédrale Saint Jean-Baptiste de Bonzola le 1er janvier 2023 à Mbuji Mayi. Il lui faudra plus qu'une prière pour espérer s'imposer lors de la prochaine présidentielle © Twitter/Présidence RDC

En séjour pour le Nouvel An dans le Kasaï, son fief, le président congolais, qui doit son poste non à son élection en 2018 mais à la grâce de son prédécesseur, a multiplié les annonces et les promesses. Il compte sur les voix de cet espace pour espérer crédibiliser une hypothétique victoire lors de la présidentielle prévue en décembre 2023. 

Après avoir durant quatre ans négligé le Kasaï, Félix Tshisekedi tente, à moins d’un an de la date officielle prévue pour la prochaine présidentielle, une opération rattrapage.

En séjour en cette fin d’année à Mbuji Mayi, chef-lieu du Kasaï oriental, le président RD congolais a multiplié les annonces et les promesses. Sous fond de scepticisme comme en témoigne la proposition faite au chef de l’Etat par l’Evêque du diocèse de Mbuji Mayi de mettre en place une commission de suivi et d’évaluation afin « d’éviter l’arrêt des travaux entamés ».

« C’est comme le mauvais élève qui n’a rien fait durant toute l’année et qui se met à réviser à la veille des examens », raille un opposant qui rappelle que M. Tshisekedi n’a pu se rendre à Kabeya Kamunaga, comme prévu, le 31 décembre, en raison de l’état défectueux de la route. « C’est dire s’il y a du boulot, y compris au Kasaï ! », dit-il pour mieux enfoncer le clou.

Dans le Kasaï, l’épisode a laissé des traces. Au plus mauvais moment pour M. Tshisekedi qui, en ce début d’année, tente d’accélérer pour se faire non pas réélire (il n’a pas remporté la présidentielle de 2018) mais élire à la présidence de la République afin d’accomplir un second mandat.

Pour ce faire, le chef de l’Etat RD congolais, qui ne peut ni compter sur son bilan – famélique en matière économique et sociale, très mauvais sur le plan sécuritaire avec le retour de la guerre à l’est -, ni sur la carte électorale qui ne lui est pas favorable, tente de verrouiller de bout en bout le processus électoral afin d’en garantir le résultat.

Après avoir composé à sa main la CENI et la Cour constitutionnelle, y nommant des hommes-liges, fait voter une loi électorale controversée (qui ne garantit pas, par exemple, la transparence de la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote), le chef de l’Etat congolais, réputé jouisseur et dilettante, a entrepris de gonfler le nombre d’électeurs dans son fief électoral : le Kasaï.

Dans le Kasaï central, l’augmentation du nombre de bureaux d’enrôlement (dénommés centres d’identification) est de 48,5 % ; de 54,7 % dans le Kasaï oriental et de… 56,7 % dans le Lomami (644 bureaux en 2018 contre 1009 en 2023) ! Les provinces, réputées hostiles à M. Tshisekedi, sont, à l’inverse, clairement défavorisées (Nord-Kivu, Tshopo, etc.). Au final, l’espace Kasaï représentera, lors des prochaines échéances électorales, un quart du corps électoral, 24 % exactement, en augmentation sensible par rapport à 2018 (lire notre article).

« Le problème est qu’un bon nombre de ces électeurs seront des électeurs fantômes », explique un expert ayant collaboré à plusieurs reprises avec la CENI. « Comme pour les dix provinces où le recensement a commencé à Noël, on se rendra compte qu’une forte proportion de ces centres d’identification sont fictifs, logés chez des particuliers comme beaucoup l’ont dénoncé, et que les électeurs qui y seront enrôlés seront des gens décédés ou des mineurs », poursuit l’expert, précisant que « ces faux-électeurs ont vocation à gonfler le moment venu le score du candidat du pouvoir ».

La ficelle est certes un peu grosse, diablement usée même à force d’avoir été utilisée. Mais Félix Tshisekedi a-t-il réellement le choix ? A la régulière, il le sait, il n’a aucune chance de l’emporter.