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RDC : en désignant comme dauphin le très controversé Emmanuel Ramazani Shadary, Joseph Kabila montre qu’il ne veut pas des élections mais d’une nouvelle transition

Emmanuel Ramazani Shadari, le secrétaire permanent du PPRD, le parti au pouvoir, a officiellement été désigné par Joseph Kabila comme dauphin de la majorité en vue de l'élection présidentielle prévue en décembre prochain en RDC @ PPRD – Twitter

Joseph Kabila a désigné le très controversé Emmanuel Ramazani Shadary comme dauphin en vue de l’élection présidentielle du 23 décembre prochain qu’il entend bien ne pas organiser. En réalité, le président (hors mandat) travaille à une nouvelle transition, autrement dit à un énième glissement. Explication.

Cet après-midi, depuis Kingakati, sa ferme située à 80 km de Kinshasa, Joseph Kabila a donné un nom : celui d’Emmanuel Ramazani Shadary. Officiellement, c’est lui le dauphin, autrement dit lui qui sera censé porter les couleurs de la majorité lors de l’élection présidentielle à venir.

Cet ex-vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, né il y a 57 ans à Kasongo dans le Maniema, avait été sorti du gouvernement en février 2018 et nommé aussitôt secrétaire permanent du PPRD quelques mois après avoir été sanctionné par l’Union européenne (le 29 mai 2017). Il est en effet considéré comme l’un des principaux responsables de la violente répression de plusieurs manifestations de l’opposition (à Kinshasa en janvier et en février 2017 au cours de laquelle 20 personnes ont été tuées par les forces de sécurité), ainsi que des membres du mouvement Bundu dia Mayala dans la province du Kongo Central. Au PPRD, l’ex-sécurocrate incarne l’aile dure, celle qui jusqu’au bout a prôné la stratégie du « glissement » (le maintien au pouvoir de Joseph Kabila au-delà du terme constitutionnel de son second mandat).

En nommant Ramazani Shadary , Joseph Kabila montre en réalité qu’il ne croit guère aux élections

En choisissant de désigner Ramazani Shadary, un candidat (non-katangais !) sans base politique, sans popularité et très éloigné de la promesse d’ouverture à l’opposition qu’il laissait sous-entendre avec le Front Commun pour le Congo (FCC) et mal perçu à l’extérieur du pays, Joseph Kabila montre en réalité qu’il ne croit guère aux élections. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas financées et ne pourront pas l’être. Le budget RD congolais est à lui seul insuffisant et le pays a refusé toute aide extérieure.

Mais comme toujours, Joseph Kabila, en politicien madré, a plus d’un tour dans son sac. En l’espèce, il s’agirait plutôt de plusieurs candidats. Au moment où l’attention se focalise sur Emmanuel Shadary Ramazani, le président (hors mandat) RD congolais a autorisé plusieurs candidatures au sein de la MP (qui seront visibles le 24 août, une fois la liste publiée par la CENI). L’ex-premier ministre Augustin Matata Ponyo a payé sa caution hier. Le même jour, Tryphon Kinkiey Mulumba a déposé sa candidature. Et un petit parti devrait déposer avant la date limite celle de… Joseph Kabila (lire notre précédente analyse). Pour ce faire, il a non pas jusqu’au 8 mais au 10 août car, une fois le jeton de présence retiré à la CENI, les prétendants candidats ou leurs mandants ont 48 heures pour déposer leur dossier de candidature.

Fondamentalement, Joseph Kabila ne veut pas des élections

Ainsi, Joseph Kabila maintient-il différents fers au feu afin de pouvoir utiliser, en fonction de l’évolution de la situation, les uns ou les autres, y compris sa propre candidature. Mais cette dernière hypothèse est hautement risquée. L’intéressé le sait. C’est pourquoi, fondamentalement, Joseph Kabila ne veut pas des élections. « Tout est fait pour que le processus électoral déraille », confie un responsable de la SADC, très informé à ce sujet. « Les machines à voter sont contestés, le fichier électoral est vicié, le climat politique est crispé et les financements prévus indisponibles. En réalité, tout est fait pour nous mettre devant le fait accompli », analyse ce haut-responsable sud-africain.

Clairement, pour Joseph Kabila, l’idéal n’est pas d’organiser une élection mais une transition à la tête de laquelle il se maintiendrait une nouvelle fois en dehors de tout cadre constitutionnel, deux ou trois ans espère-t-il. C’est en réalité ce à quoi il travaille. Le choix, peu crédible et hautement controversé, d’Emmanuel Ramazani Shadary comme dauphin en est la dernière preuve.