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RDC : A la Demiap, Salomon Kalonda Della est « le prisonnier du président » Félix Tshisekedi

Bras droit de l'opposant Moïse Katumbi, Salomon Idi Kalonda Della victime d'une lettre de cachet du "roi" Félix Tshisekedi © DR

En violation de la Constitution qui dispose que toute personne arrêtée doit être, après 48 heures, soit libérée, soit mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente, le bras droit de Moïse Katumbi et pièce maitresse de l’opposition RD congolaise, est toujours ce jeudi soir retenu au siège de la Demiap à Kinshasa où il a été amené après sa brutale arrestation mardi 30 mai sur le tarmac de l’aéroport de Ndjili. Là-bas, il y est surnommé le « prisonnier du président ».

Pour ceux, très rares, qui en doutaient encore, l’Etat de droit en RDC est une fiction.

Plus de 48 heures après son arrestation et en violation de la Constitution (en ses articles 18 et 19), Salomon Idi Kalonda Della est toujours retenu ce jeudi 1er juin au soir au siège de la Demiap. Ses avocats qui s’y sont rendus vers 11 heures ce jour n’ont pas pu y avoir accès.

Et pour cause, celui que l’on surnomme « le numéro 10 de l’opposition » et que beaucoup considèrent comme l’héritier naturel d’Augustin Katumba Mwanke pour ses qualités de stratège et d’organisateur (lire notre article), est un « détenu particulièrement surveillé ».

Mais à la Demiap, on emploie une autre expression pour parler de Salomon Kalonda : celui de « détenu du président ». « On a rien trouvé sur lui au-moment de son arrestation. On a parlé d’une arme mais c’est faux. Juste de l’argent liquide. Moins de 4000 dollars », confie un agent des services de renseignement au sein duquel beaucoup ne cautionnent pas les dérives actuelles du pouvoir. Certains par conviction. D’autres par souci de ne pas insulter l’avenir. Qui sait, le régime actuel pourrait ne pas durer…

« On attend les consignes de la Présidence »

Une autre source, interne elle-aussi, explique pourquoi Salomon Kalonda n’a pu voir ses avocats. « Si tel avait été le cas, les avocats auraient eu accès au dossier. Et ils auraient constaté qu’il était vide. Car il n’y a rien. Du coup, il faut du temps pour… vous savez quoi », dit notre interlocuteur après un temps d’hésitation.

Ce « vous savez quoi », signifie-t-il « fabriquer des fausses preuves ? », lui demande-t-on. « Je n’ai rien dit mais vous connaissez apparemment bien notre pays », acquiesce l’homme. De fait, sous Félix Tshisekedi, les mêmes pratiques que celles en vigueur du temps de Joseph Kabila persistent.

Dossier désespérément vide et lettres de cachet

Désormais, à la Demiap, « on attend les consignes de la Présidence. » Mais il faudra patienter encore un peu car à la Présidence, justement, on essaie de gagner du temps. Dans l’espoir à la fois que la poussière médiatique ne retombe. Mais aussi pour matériellement avoir le temps nécessaire de remplir un dossier désespérément vide.

« Le fond de l’affaire est politique », commente sans détour un ambassadeur influent en poste à Kinshasa. « On veut affaiblir l’opposition. Et comme le pouvoir ne peut s’en prendre directement à Moïse Katumbi comme à toute autre figure de premier plan de l’opposition, on essaie de l’atteindre là où ça fait mal. Moi, ça me rappelle les lettres de cachet, » dit le diplomate. Utilisées sous l’Ancien Régime en France, celles-ci servaient à transmettre un ordre particulier du roi en vue notamment de l’incarcération sans jugement ou encore l’internement de personnes jugées indésirables par le pouvoir.

Félix Tshisekedi prend un gros risque

Mais pour d’autres, qui connaissent bien à la fois Félix Tshisekedi et Salomon Kalonda, il y a également dans cette affaire un fond personnel. « Félix et Salomon se connaissent très bien et depuis longtemps. Ils se sont beaucoup fréquentés entre la fin 2016 et la mi-2018. Félix connait les qualités hors-pairs de Salomon. Il en a même nourrit des complexes à un moment donné », explique cet ancien haut-cadre de l’UDPS, très proche de feu Etienne Tshisekedi.

A l’évidence, ce n’est pas à la Demiap ou devant la Justice que se jouera le sort de Salomon Kalonda. Mais à la Présidence. Quand bien même il se croit omnipotent, Félix Tshisekedi prend dans ce dossier un gros risque. Sur le plan diplomatique, où l’affaire – sensible – est scruté de près. Mais aussi sur le plan judiciaire. Une plainte pourrait bientôt être déposée contre lui (et certains membres de son entourage) devant un tribunal européen qui pourrait se saisir de l’affaire au nom de la compétence universelle. Son immunité de président le protégerait alors. Mais pour un temps seulement.