Antoine Gizenga se trouve actuellement en Belgique pour y subir des soins. Depuis, quelques semaines, la santé du leader du PALU et ex-premier ministre, 92 ans, s’est détériorée. L’éventualité d’un décès de M. Gizenga en Belgique gênerait considérablement les autorités de Kinshasa. Voici pourquoi.
C’est La Libre Afrique qui l’a révélé hier. « Antoine Gizenga est en soins dans une clinique universitaire bruxelloise depuis un semaine » et « son état est sérieux ». Une information vérifiée par Le Congo Libéré. Toujours selon le quotidien belge, ceux qui l’ont côtoyé récemment à Kinshasa parlent d’un homme « terriblement fatigué… au bout du rouleau. On est même surpris qu’il ait pu voyager jusqu’à Bruxelles. »
Il y a à peine un mois, le 19 mars dernier, Joseph Kabila avait fait se déplacer Antoine Gizenga afin de voir s’il lui était possible d’en faire son dauphin. L’idée du président (hors mandat) RD congolais était la suivante : Gizenga aurait été désigné comme candidat à la présidentielle de la majorité présidentielle, tandis que Joseph Kabila serait lui devenu président du Sénat. Un poste qui lui garantirait de rempiler à la tête de l’Etat en cas de décès de Gizenga, le président du Sénat étant le dauphin constitutionnel du président de la République. Mais ce scénario, comme le rappelle La Libre Afrique, « avait pris du plomb dans l’aile lorsque Kabila avait découvert [le 19 mars dernier] l’état de santé plus que chancelant de Gizenga ». L’entourage du chef de l’Etat avait alors estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour rendre crédible ledit scénario et ainsi faire illusion.
Si Joseph Kabila et son entourage sont préoccupés par l’état de santé d’Antoine Gizenga, ça n’est pas par sollicitude mais pour des raisons politiciennes. L’éventuel décès à Bruxelles du leader de PALU gênerait considérablement les autorités de Kinshasa car elles seraient alors contraintes sans délai de rapatrier le corps de M. Gizenga.
Or, comment justifier un rapatriement aussi rapide du corps de M. Gizenga, alors que depuis plus d’un an la dépouille d’Etienne Tshisekedi repose dans une morgue à Bruxelles ? Ces derniers jours, le dossier du Sphinx de Limete – éminemment politique – semble connaître une accélération. Samedi 21 avril, une étape a été franchie dans le processus du rapatriement de sa dépouille. Plus d’un an après sa mort, les autorités congolaises, la famille de l’ancien leader et l’UDPS ont signé un protocole d’accord très précis. Un avion spécial sera envoyé à Bruxelles pour ramener le corps ; une commission spéciale a été instituée pour organiser ses funérailles en RDC ; le Palais du peuple a été désigné comme lieu d’exposition du corps dont la durée est même précisée (48 heures) quant à la commune de N’Sele, elle a été choisie comme lieu d’inhumation, etc.
Un accord de rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi conclu, mais aucune date fixée. Voici pourquoi…
Cet accord est donc très précis… sauf sur un point. L’essentiel en réalité. La date n’est pas encore fixée. Et c’est là toute là toute la subtilité. Car Joseph Kabila utilise ce dossier pour faire pression sur Félix Tshisekedi afin qu’il accepte le poste de Premier ministre. Ce serait en effet la seule configuration qui permettrait au président (hors mandant) RD congolais de repousser encore la date des élections pour une durée estimable (deux ans), ce qui lui laisserait toute l’attitude, espère-t-il, pour modifier la Constitution et briguer un nouveau mandat (lire à ce sujet notre article : Primature en RDC : Joseph Kabila intensifie ses pressions sur Félix Tshisekedi).
« Nous espérons toujours que Félix Tshisekedi accepte notre proposition », confie un responsable de la majorité présidentielle, qui veut croire que le président récemment élu de l’UDPS ne l’a pas complètement écartée. « En indiquant dans son communiqué en date du 17 avril la nécessité d’une ‘application intégrale et effective de l’accord de la Saint-Sylvestre pour la sortie de crise’, cela pourrait signifier qu’il n’exclut pas sa nomination comme Premier ministre et celle, par exemple, de Pierre Lumbi a la tête du CNSA », veut croire ce proche de Joseph Kabila. Si Félix Tshisekedi acceptait la proposition, « une date de rapatriement en RDC du corps de son père serait alors rapidement fixée », assure ce responsable de la MP avant de lâcher en conclusion de notre échange : « nous avons fait le premier pas, à Félix de faire le suivant. C’est du donnant-donnant. »
En attendant, les autorités de Kinshasa se concentrent sur le cas Gizenga. Pariant sur le décès prochain du leader du PALU, elles ont élaboré un plan, dans le cas où une telle hypothèse se réalisait, pour rapatrier discrètement son corps à Kinshasa afin de pouvoir dire que celui-ci est mort en RDC et non en Belgique. Un scénario qui aurait le mérite de dispenser Kinshasa de mettre en oeuvre une procédure de rapatriement et lui éviterait ainsi d’avoir à se justifier de pratiquer le deux poids-deux mesures. Autrement dit, faire preuve de diligence dans un cas (celui de M. Gizenga) et déployer une stratégie dilatoire dans l’autre cas (celui de M. Tshisekedi). Voire pire, avoir à rapatrier le corps d’Antoine Gizenga avant celui d’Etienne Tshisekedi…