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Présidence du Sénat en RDC : Thambwe Mwamba tient la corde mais l’hypothèse Bahati fait son chemin

Alexis Thambwe Mwamba © DR

Le ministre de la Justice, très proche de Joseph Kabila, est pressenti pour prendre la tête de la seconde chambre. Il deviendrait ainsi le second personnage de l’Etat, en même temps que le dauphin constitutionnel du président de la République. Mais c’est sans compter sur un possible outsider, Modeste Bahati Lukwebo, qui pourrait venir jouer les troubles-fêtes. 

« C’est Alexis qui tient la corde ! », exulte un de ses proches, sûr de sa victoire. Au sein du Front Commun pour le Congo, la plateforme politique de Joseph Kabila, Thambwe Mwamba part en effet favori dans la course à la présidence du Sénat. « Il a les faveurs du chef » (comprendre de M. Kabila), confirme un des piliers du PPRD, l’ex-parti présidentiel, archi-majoritaire en RDC.

Il faut dire qu’aux yeux de l’ex-chef de l’Etat, Alexis Thambwe Mwamba, qui a espéré un temps devenir premier ministre, coche toutes les cases. Ce zélé ministre de la Justice, qui n’a pas failli dès lors qu’il s’est agi de poursuivre les opposants politiques sur le plan judiciaire, est membre du premier cercle de Joseph Kabila avec lequel il a intérêts liés. « Si Kabila tombe, Thambwe tombe aussi », explique un diplomate occidental en poste à Kinshasa qui rappelle que le Garde des Sceaux RD congolais est poursuivi par la justice belge pour crime contre l’humanité.

Autre avantage pour Thambwe Mwamba dans la course à la présidence du Sénat : son origine provinciale, le Maniema dans l’Est du pays. En RDC, les différents postes des grandes institutions constitutionnelles sont pourvus dans le respect des équilibres régionaux. Sachant que la présidence de la République est allée au centre (Tshisekedi, Kasaï), celle de l’Assemblée nationale à l’Ouest (Jeanine Mabunda Liyoko, Equateur) et que la Primature reviendra au Sud (au Grand Katanga), la présidence du Sénat doit donc revenir à un ressortissant du grand Est (Maniema, Nord et Sud Kivu, Ituri, Province orientale).

Dans cette optique, Thambwe Mwamba a donc le profil du candidat idéal aux yeux de Joseph Kabila. Du coup, il n’a pas véritablement de concurrents. Un temps pressentie, la candidature de Léonard She Okitundu semble avoir été abandonnée.  Si le ministre des Affaires étrangères est lui aussi tout dévoué à Joseph Kabila, il présente l’inconvénient d’être originaire du Grand Kasaï. Une proximité géographique avec M. Tshisekedi qui le dessert.

Finalement, le seul véritable outsider dans la course à la présidence du Sénat pourrait être Modeste Bahati Lukwebo, le président de l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo. Lui aussi est originaire du grand Est (du Sud-Kivu en l’occurrence). Et son élection permettrait de rééquilibrer a minima le rapport de force au sein du FCC. Jusqu’à présent, le PPRD a en effet tout raflé (la présidence de l’Assemblée nationale, l’écrasante majorité des présidences des assemblées provinciales et des gouvernorats et, prochainement, la primature). Consentir à l’AFDC, second parti au sein du FCC, la présidence du Sénat permettrait donc à Joseph Kabila de ménager son allié.

Sans compter que Bahati présente également l’avantage de savoir composer avec Vital Kamerhe, le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, originaire comme lui du Sud-Kivu. Le 10 avril dernier, lors de l’élection du gouverneur dans cette province, les deux hommes ont fait alliance : le poste de gouverneur est revenu au candidat de l’AFDC (Théo Ngwabidje Kasi) ; quant à celui de l’UNC, il a été élu vice-gouverneur.

L’élection du président du Sénat devrait avoir lieu fin avril-début mai. Le règlement intérieur est actuellement en cours d’élaboration au sein du bureau provisoire. Une fois finalisé, il sera envoyé pour validation à la Cour constitutionnelle. Si celle-ci donne son aval, le scrutin peut avoir lieu. Une séquence qui devrait durer au total entre 10 et 15 jours.

L’enjeu est de taille : il s’agit de désigner le second personnage de l’Etat, en même temps que… le dauphin constitutionnel du président de la République. Sachant que l’hypothèse d’une destitution de Félix Tshisekedi est régulièrement brandie, comme une menace, par les proches de Joseph Kabila, on comprend mieux l’importance que revêt le choix du prochain président du Sénat.

Au final, quel que soit son nom, une chose est sûre. Le poste n’échappera pas au FCC qui contrôle 90 % de la seconde chambre, tout comme il contrôle d’ailleurs l’Assemblée nationale à plus de 75 %, les provinces (gouvernorats et assemblées provinciales confondues) à près de 90 %, et bientôt le gouvernement sensiblement dans les mêmes proportions. Dans cette configuration, impossible pour la présidence de la République, dont les pouvoirs sont largement symboliques, de faire contrepoids.

Aujourd’hui comme hier, la domination de Joseph Kabila sur la vie politique RD congolaise est sans partage.