Le Front Commun pour le Congo s’étant octroyé une large majorité lors des élections législatives avec plus de 350 députés sur 400, c’est à Joseph Kabila, en tant qu’autorité morale de cette plateforme, qu’il revient de choisir le futur premier ministre. Trois de ses proches tiennent la corde.
Comme à son habitude, Joseph Kabila a plusieurs fers au feu. Comme possible premier ministre, l’ex-président RD congolais, qui demeure l’homme fort de son pays en dépit de l’arrivée à la présidence de Félix Tshisekedi dans des conditions très controversées, hésite désormais entre trois noms.
Celui qui tient la corde à l’heure actuelle, c’est Alexis Thambwe Mwamba. Le ministre de la Justice sortant est en effet l’homme qui a conduit depuis plusieurs années pour le compte de Joseph Kabila les tractations avec l’UDPS, que ce soit à Ibiza, à Venise, et jusqu’à ces dernières semaines où un accord entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi a été conclu en vue d’un partage du pouvoir. Aujourd’hui, Alexis Thambwe Mwamba, qui s’est démarqué au ministère de la Justice notamment lorsqu’il s’est agi de poursuivre les opposants politiques (Jean-Pierre Bemba contre lequel il a témoigné à charge devant la CPI, Moïse Katumbi qu’il a fait poursuivre dans plusieurs dossiers dans des conditions très contestables, Franck Diongo toujours en prison malgré son état de santé, ainsi que de très nombreux jeunes issus des mouvements citoyens jetés en prison et à ce jour encore en attente de jugement, etc.), entend aujourd’hui être récompensé de sa fidélité à l’égard de l’ex-chef de l’Etat.
Mais ce choix est loin de faire l’unanimité dans l’entourage de l’ex-président. En particulier dans le « clan des Katangais », aussi bien dans son volet politique que militaire. Furieux d’avoir perdu la présidence, celui-ci n’envisage pas de voir leur échapper la primature, là où se concentrera la réalité du pouvoir désormais. « En l’absence de majorité parlementaire, l’actuel président a en effet les mêmes pouvoirs que la Reine d’Angleterre, le prestige et le glamour en mois », commente un politologue de l’université de Kinshasa. Du coup, pour ne pas mécontenter le fidèle Thambwe, Joseph Kabila envisagerait d’offrir à ce dernier la présidence du Sénat, si tant est que ce dernier parvienne à se faire élire à la chambre haute par les députés provinciaux. Ce qui est loin d’être garanti compte tenu de la concurrence féroce dans le Maniéma avec la présence notamment de l’ex-premier ministre, Augustin Matata Ponyo.
Dans le cas où Alexis Thambwe Mwamba se verrait diriger vers le Sénat, Joseph Kabila a en tête deux noms de premier ministre possible. Tous deux sont originaires de l’ex-Katanga, un critère décisif pour Joseph Kabila qui n’entend pas se mettre à dos les élites de sa province d’origine.
Le premier est Henri Yav Mulang, le ministre sortant des Finances, un poste qu’il occupe depuis décembre 2014. Plutôt discret, cet homme de 64 ans au profil de technocrate qui fut, auparavant, celui-ci serait, dans l’esprit de Joseph Kabila, le compromis idéal. A même de rassurer les milieux économiques, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, cet ex-conseiller financier de Joseph Kabila à la présidence, étant dépourvu de toute base politique, sera totalement sous l’influence de l’ex-chef de l’Etat.
Le deuxième nom qui se détache est celui d’Albert Yuma. Cet homme d’affaires très proche de Joseph Kabila, patron de la Fédération des entreprises congolaises (FEC) et président du conseil d’administration de la Gécamines, présenterait à premier vue un profil idéal eux yeux de l’ex-président. D’autant qu’il s’entend parfaitement avec le milliardaire Dan Gertler, le partenaire d’affaires dans le secteur minier de l’ex-chef de l’Etat. Las, l’intéressé a régulièrement été épinglé ces dernières années, par les ONG ou par les médias, fustigeant tantôt sa gestion à la tête de la Gécamines ou le présentant d’autres fois comme le prête-nom de Joseph Kabila dans plusieurs entreprises de divers secteurs (minier, agroalimentaire, import-export, etc.). Du coup, si la candidature d’Albert Yuma a semblé tenir la corde dans un premier temps, celle-ci a désormais du plomb dans l’aile, Joseph Kabila étant, à travers la nomination de son futur premier ministre, à la recherche d’un proche certes susceptible de protéger ses intérêts politiques et financiers, mais également de lui apporter une forme de respectabilité.
Qui, au final, d’Alexis Thambwe Mwamba, de Henri Yav Mulang ou d’Albert Yuma, sera nommé premier ministre ? Un quatrième homme, pourrait-il, au finish, leur griller la politesse ? Réponse dans les tout prochains jours. Quoi qu’il en soit, une chose est d’ores et déjà certaine : le nouveau président, Félix Tshisekedi, n’aura à aucun moment son mot à dire. Tout juste en sera-t-il informé en amont par Joseph Kabila. « En vertu du principe de courtoisie républicaine », confirme avec malice un proche de l’ex-chef de l’Etat.