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Face à la dérive répressive ouvertement assumée en RDC, Antony Blinken et les Etats-Unis mettent en garde directement Félix Tshisekedi

Antony Blinken et les Etats-Unis ont prévenu Félix Tshisekedi : 2023-2024 ne ressemblera pas à 2018-2019 © Congo Libéré

Après avoir publié lundi 22 mai un communiqué condamnant la violente répression de la marche pacifique de l’opposition deux jours plus tôt à Kinshasa, les Etats-Unis, par la voix de leur secrétaire d’Etat Antony Blinken, ont adressé 48 heures plus tard à peine, ce mercredi, un message de fermeté visant cette fois-ci directement le président congolais, soupçonné de vouloir conserver le pouvoir par tous les moyens.

Après avoir fait paraître lundi 22 mai un communiqué condamnant la violente répression de la manifestation de l’opposition deux jours plus tôt à Kinshasa (lire notre article), les Etats-Unis ont récidivé 48 heures plus tard.

Cette fois-ci, c’est le secrétaire d’Etat américain en personne, Antony Blinken, qui met en garde nommément, en le citant directement, le président RD congolais Félix Tshisekedi.

« J’ai appelé le président Tshisekedi pour exprimer ma profonde préoccupation pour les personnes tuées, blessées, déplacées ou rendues vulnérables par la violence en cours dans l’est de la République démocratique du Congo. J’ai réitéré que toutes les parties doivent respecter les processus de Luanda et de Nairobi », a-t-il indiqué sur le réseau social Twitter.

En réalité, l’échange n’a pas fait que porter sur le conflit à l’est. « Il a été question aussi du climat politique général qui se détériore et pour lequel nous sommes très inquiets », commente une source diplomatique américaine autorisée.

Cet appel est une forme de mise en garde. « Il s’agit de montrer que les Etats-Unis sont vigilants. Nous ne tolérerons pas à nouveau ce qui s’est passé il y a quelques années », en référence à la période Kabila.

Les aveux sous forme de bourde de Peter Kazadi

Cette mise en garde intervient alors que le régime Tshisekedi est accusé de dérive autoritaire, voire dictatoriale. Des qualificatifs loin d’être galvaudés en regard à la répression de la marche pacifique de l’opposition du 20 mai à Kinshasa qui selon les sources les plus fiables à fait 154 blessés, dont une dizaine dans un état grave. S’en sont suivis l’arrestation d’activistes et d’élus de l’opposition (comme le député provincial de Kinshasa Mike Mukebayi), la censure de médias locaux accusés de refléter les vues de l’opposition, des menaces et tentatives d’intimidation à l’endroit d’opposants (dont certaines émanant directement du sommet de la Présidence) ou encore l’interdiction faite à l’opposant Moïse Katumbi de se rendre dans une province (le Kongo Central) pour y déployer ses activités politiques.

Quelle soit autoritaire ou dictatoriale, cette dérive, le pouvoir congolais ne s’en cache même plus. Hier, mercredi 24 mai, à l’occasion d’une conférence de presse surréaliste, le ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, un Kasaïen comme M. Tshisekedi, l’a publiquement assumée. « Parce que nous avons sur notre tête une communauté internationale qui va chaque fois nous dicter la ligne à conduire pour la gestion de nos affaires internes, cette communauté internationale avec cette presse internationale qui distribuent des points, nous sommes parfois obligés de tolérer certaines choses qui nous font mal pour ne pas être transférés devant la Cour pénale internationale, pour ne pas être sanctionnés financièrement », a-t-il déclaré (voir la vidéo). Une bourde de la part de quelqu’un qui n’est manifestement pas meilleur communicant que ministre, qui en dit long sur le rapport distant qu’entretient le régime de Félix Tshisekedi à la démocratie et à l’Etat de droit. Mais trop tard, le mal est fait.

« Don’t fight America! »

La mise en garde des Etats-Unis, qui n’a rien d’anodine dans le contexte actuel, intervient également au moment où Félix Tshisekedi se rend en Chine, pays autoritaire dont le président congolais est tenté de se rapprocher à la veille des élections pour – espère-t-il – desserrer l’étau diplomatique que les pays occidentaux commencent à mettre en place.

Mais M. Tshisekedi devrait se rappeler cette maxime, bien connu des diplomates et des militaires : «Don’t fight America!» Pour l’avoir oublié, nombreux sont les ex-dirigeants à en avoir payé le prix fort.