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RDC : « On savait que Félix Tshisekedi était incompétent. On sait désormais aussi qu’il est méchant »

Félix Tshisekedi au chevet d'une journaliste attaquée samedi 20 mai 2023, lors de la manifestation pacifique de l'opposition à Kinshasa, à coups de machette par la milice de... l’UDPS, son propre parti, qu'il s'est bien gardé par ailleurs de condamner © Com présidentielle RDC

La brutale répression samedi 20 mai 2023 de la marche pacifique de l’opposition – dont le bilan oscille autour de 150 blessés, peut être plus, du côté des manifestants – a révélé la vraie nature du régime de Tshisekedi, désormais comparé à celui de Joseph Kabila. Après avoir bénéficié d’une relative bienveillance, le président RD congolais voit le regard changer à son endroit, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Ce lundi 22 mai, deux jours après la brutale répression de la marche pacifique de l’opposition à Kinshasa, en l’espace de quelques minutes, les communiqués se sont enchainés. De concert, les Etats-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, etc., usant de la même formulation pour marquer leur parfait alignement, ont fait part de leur réprobation à l’endroit des événements du 20 mai. Une première depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi en 2019.

Quelques heures, plus tôt, dans un communiqué d’une rare sévérité, la CENCO, instance congolaise la plus crédible à l’international et très respectée en RDC, qui a observé la marche du 20 mai, dénonçait sa « répression ignoble et sauvage », de même que la collusion entre la police et « la milice de l’UDPS », le parti de Félix Tshisekedi (lire à ce sujet le très instructif article de La Libre Belgique)

Sentant le malaise s’installer, Félix Tshisekedi, poussé par ses communicants, a, à grands renforts de caméras et de journalistes stipendiés, fait lundi la tournée des hôpitaux. Objectif : se faire photographier aux côtés des victimes pour montrer sa compassion.

Pompier-pyromane

Mais le procédé, qui n’a rien à envier aux opérations de communication en Chine ou en Corée du Nord, ne leurre personne. « (Félix Tshisekedi) se comporter comme un pompier-pyromane. Il vient verser des larmes de crocodile sur le lit d’hôpital d’un enfant, brutalisé par des policiers qu’il s’est empressé le même jour de féliciter. Il a fait la même chose avec une journaliste gravement blessée à la machette par la milice de l’UDPS », vitupère un responsable de La Lucha qui pointe du doigt « le cynisme et le machiavélisme » du président RD congolais.

De fait, quelques heures seulement après avoir voulu faire montre, devant les caméras et les objectifs des photographes, de sa compassion à l’endroit des victimes de la répression de la marche du 20 mai, Félix Tshisekedi est venu féliciter les forces de sécurité qui ont officié lors de cette même marche, saluant leur… professionnalisme ! « Au moment où l’on déplore l’usage excessif et disproportionnée de la force par la police contre les manifestants, Félix Tshisekedi la félicite pour ce qu’il considère comme travail bien fait », déplore Michaël Tshibangu, l’un des conseillers de Moïse Katumbi.

Un en-même temps qui vire à la schizophrénie ? Pas tout à fait, estime ce professeur en science politique en poste en Belgique. « C’est assez rationnel en fait. Face à l’émotion suscitée par cette extrême violence, Félix Tshisekedi ne pouvait ne rien dire. D’où cette mise en scène visant à afficher un visage humain ». « Mais », poursuit l’universitaire, « son régime est si impopulaire que, comme Joseph Kabila en son temps, il compte davantage sur l’armée et sur la police (épaulées au besoin par la milice de l’UDPS, NDLR) que sur les voix des Congolais pour se maintenir au pouvoir. D’où la scène à laquelle on a assisté hier (lundi 22 mai) qui n’est contradictoire qu’en apparence ».

« Ce n’est pas en 2016 que Félix Tshisekedi risque de nous ramener, mais en 1996 »

Mais la principale victime de la répression violente de la manifestation pacifique de l’opposition de ce 20 mai est sans doute Félix Tshisekedi lui-même qui est tenu comme le premier responsable des violences. « Penser que tout cela a pu se faire à son insu est au mieux naïf, au pire mensonger », avertit un membre de la CENCO.

D’ailleurs, personne ne s’y trompe. En l’espace de quelques heures, le regard sur le régime de Félix Tshisekedi a changé. « Je me souviens en 2019, quand La Lucha a commencé à mettre un signe égal entre Thisekedi et Kabila, tout le monde trouvait cela excessif. Aujourd’hui, avec le recul, on peut dire que c’est eux qui avait raison », explique un haut-diplomate occidental en poste à Kinshasa.

Un point de vue partagé par un de ses confrères. « Jusqu’à présent, tout le monde le sait, Félix Thisekedi avait l’image de quelqu’un d’incompétent. Son bilan est d’ailleurs particulièrement mauvais. Désormais, on sait également qu’il a le même rapport à la démocratie et à l’Etat de droit que son prédécesseur. Qu’il peut être aussi brutal et méchant », cingle ce diplomate très influent, fin connaisseur du Congo, actuellement en poste à New York.

Se sachant incapable de remporter les élections à la régulière, Félix Tshisekedi, qui s’accroche au pouvoir comme une moule à son rocher, est entrainé dans une fuite en avant vers un raidissement autoritaire. Avec le risque d’entrainer le pays tout entier dans le chaos. Comme le dit un membre du Comité laïc de coordination (CLC), très inquiet sur la situation, « ce n’est pas en 2016 que Félix Tshisekedi risque de nous ramener, mais en 1996 ».