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Election présidentielle en RDC : comment la CENI va tenter de maquiller en victoire la défaite certaine du dauphin de Joseph Kabila

Le président de la CENI, Corneille Nangaa, est un proche de Joseph Kabila © DR

Relégué très loin derrière le candidat de l’opposition Martin Fayulu lors de l’élection présidentielle du 30 décembre dernier, Emmanuel Ramazani Shadary sera déclaré vainqueur par la commission électorale nationale indépendante au plus tard le 6 janvier prochain. Voici comment.

Comment expliquer l’inexplicable ? Justifier l’injustifiable ? Autrement dit, la victoire d’Emmanuel Ramazani Shadary, le falot dauphin du Raïs, lors de la présidentielle en RDC ? C’est sans compter sur la roublardise du régime de Joseph Kabila et l’absence totale de scrupules de la CENI, pilotée par le servile Corneille Nangaa.

Compte tenu du déploiement par l’Eglise catholique de 40 000 observateurs le jour du scrutin, qui dispose des PV et donc des tendances, très largement favorables au candidat de l’opposition Martin Fayulu, le régime RD congolais, qui n’a aucune intention d’organiser une élection pour la perdre, a décidé d’utiliser plusieurs manœuvres pour tenter de rendre, espère-t-il, présentable la victoire du candidat du pouvoir que d’aucuns savent impossible.

Avant le jour du vote

Tout d’abord, comme l’a indiqué Tom Perrielo, l’ancien représentant du président américain en RDC, la fraude se prépare en amont de l’élection. Nul besoin de rappeler ici l’exclusion du vote des candidats les plus dangereux (Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba), le fichier électoral vicié (à plus de 25 % selon l’OIF qui l’a audité), l’imposition du vote électronique, etc. Plus récemment, le faux incendie de l’entrepôt de la CENI le 13 décembre dernier à Kinshasa a permis au pouvoir de justifier un redéploiement de machines à voter (retirées des bastions de Martin Fayulu pour être placées ailleurs). Pire, le 26 décembre dernier, la CENI annonce, sans honte, que Beni, Butembo et Yumbi, trois gros bastions acquis à Martin Fayulu, toujours lui, seront exclus du vote le 30 décembre (ce qui réprésente près d’1,5 million d’électeurs).

Le jour du vote

Ensuite, le jour même du vote, comme l’a bien relevé la CENCO et de multiples observateurs (lire à cet égard l’article remarquable de Francis Laloupo), des bureaux de vote ont été ouverts dans des lieux interdits, beaucoup n’ont ouvert que tardivement dans les bastions de l’opposition, les listes d’électeurs n’ont pas été publiées dans les bons bureaux de vote, etc. Autant de stratagèmes qui poursuivent tous un même objectif : moduler le taux de participation ; autrement dit, le minorer dans les fiefs de l’opposition, et l’augmenter dans les endroits réputés les moins défavorables au candidat du pouvoir.

Après le vote

Surtout, après le vote, la CENI a tout prévu. Il suffit pour s’en rendre compte de lire le communiqué qu’elle a publié ce 1er janvier 2019. « Après les attaques de ses entrepôts à Beni et les incendies à Kinshasa et Yumbi, la CENI déplore les actes de vandalismes enregistrés cette nuit à Bagata, Gungu, Katanda et Walungu pour lesquels les plaintes seront déposées dès demain », peut-on lire dans ce communiqué (voir ci-dessous).

Communiqué de la CENI ce mardi 1er janvier 2019

Cela signifie donc que les PV des bureaux de vote dans les endroits concernés ont disparu et qu’il faudra donc faire sans ou bien se fier aux données transmises par voie électronique… Or, à nouveau, il s’agit pour l’essentiel de bastions de Martin Fayulu : Bagata représente 230 333 voix, Bulungu 479 443 voix, Gungu 357 217. Pour faire bonne mesure, le pouvoir a ajouté deux fiefs de l’autre candidat de l’opposition, Félix Tshisekedi (Katanda qui représente 115 450 voix et Walungu, une place forte de son allié et directeur de campagne Vital Kamerhe qui représente 330 641 voix). Un stratagème qui rappelle très étrangement le faux-incendie de l’entrepôt de la CENI dans la nuit du 13 décembre dernier à Kinshasa pour lequel le pouvoir a pris le soin de ne présenter aucune preuve de machines à voter carbonisées et a refusé toute enquête internationale.

Ainsi, c’est à la fois en comptant sur ses électeurs fictifs (contenus dans le fichier électoral et via les bureaux de vote ouverts dans les lieux prohibés), en excluant du vote des bastions de l’opposition, en minorant le taux de participation dans ses fiefs ou encore en faisant disparaître les PV émanant de bureaux de vote qui lui sont favorables que le régime de Joseph Kabila, via son bras armé, la CENI, va tenter de donner un semblant de crédibilité à la victoire programmée d’Emmanuel Ramazani Shadary ; le dauphin de Joseph Kabila qui n’a probablement pas dépassé les 7 à 8 % dans les urnes le 30 décembre dernier…