En fin de semaine dernière, les deux principales figures de l’opposition en RDC, Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi, ont achevé une « tournée diplomatique » qui les a conduits successivement en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis. Voici les principaux enseignements que l’on peut en tirer.
La semaine dernière, Moïse Katumbi, le président d’Ensemble, et Félix Tshisekedi, le leader de l’UDPS, étaient aux Etats-Unis (à Washington DC, puis à New-York). Auparavant, ils s’étaient rendus en Afrique (au Rwanda et en Afrique australe) avant de visiter quelques capitales européennes (Bruxelles, Paris et Berlin).
Pour le duo d’opposants, l’objet de cette « tournée diplomatique » était double. D’une part, il s’agissait de sensibiliser à la tenue d’élections effectives et crédibles en RDC ; d’autre part, de présenter leurs avancées au sujet d’un programme et d’un candidat communs en vue du scrutin présidentiel prévu le 23 décembre prochain.
Au final, quelles leçons tirer de cette séquence ?
1) Un accueil enthousiaste. Partout, l’accueil du duo d’opposants a été bon, « enthousiaste » même selon un proche du président de l’UDPS. Leurs interlocuteurs, qui ont en quelque sorte « béni » cette union, y voient en effet un élément déterminant pour sortir le pays de la crise politique dans lequel il est plongé depuis deux ans. Cette perception favorable est d’autant moins surprenante que MM. Katumbi et Tshisekedi sont perçus à l’extérieur comme des dirigeants crédibles. En outre, ils souffrent positivement la comparaison avec Joseph Kabila qui accuse, à l’inverse, un niveau de défiance très élevé tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de son pays.
2) Les positions diplomatiques alignées sur la RDC. Cela n’est pas sans conséquence. Aujourd’hui, les positions des principaux pays sur la RDC sont alignées, aussi bien en Afrique, qu’en Europe ou aux Etats-Unis. Les différences qui persistaient jusqu’à récemment ont été aplanies en raison notamment de l’attitude de Joseph Kabila qui ne donne aucun signe de vouloir quitter le pouvoir. C’est le sens à donner aux propos d’Emmanuel Macron qui, à l’occasion d’une conférence de presse commune avec Paul Kagamé, le 23 mai dernier à Paris, a confié que « La France [soutenait] l’initiative prise par le président de l’Union africaine [et président du Rwanda] en lien étroit avec le président angolais ». Des propos confirmés par le président français alors qu’il recevait ce dernier à l’Elysée ce lundi 28 mai. Pour Joao Lourenço, il s’agissait de son premier déplacement en Europe. Rappelant à cette occasion que ses échanges avec le président angolais s’inscrivaient dans le droit fil de ceux avec le chef de l’Etat rwandais, Emmanuel Macron a déclaré lors d’une conférence de presse conjointe que sur la RDC, il partageait avec son hôte du jour « les mêmes préoccupations et les mêmes volontés ». Il est donc fort à parier que la pression extérieure ira en s’accentuant dans les prochaines semaines sur les épaules de Joseph Kabila.
3) Une candidature commune pour l’opposition. Mais il n’y a pas qu’à l’extérieur du pays que la pression risque de s’accentuer. A l’intérieur aussi. En effet, la principale annonce faite lors de cette tournée diplomatique a été celle d’une candidature unique de l’opposition. Au sein de la majorité présidentielle (MP), elle a été ressentie comme un coup de massue. Joseph Kabila pariait en effet sur la division de l’opposition pour continuer à dicter le calendrier politique, comme il l’a fait depuis mi-2016. Le président (hors mandat) RD congolais spéculait même sur le fait qu’en multipliant les pressions judiciaires contre Moïse Katumbi pour empêcher sa candidature, cela contribuerait à réduire l’activisme de ce dernier tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays en faveur d’une alternance au pouvoir. Peine perdue pour Joseph Kabila. Quel que soit le cas de figure, Moïse Katumbi s’est organisé pour parer à toute éventualité.
4) Un degré élevé de préparation. Cette tournée diplomatique avait pour but pour objet de présenter le « ticket gagnant » Katumbi – Tshisekedi, mais également de démontrer le niveau de structuration de cette initiative, qui est tout sauf improvisée. « C’est du solide. Nous ne pensions pas que les choses étaient aussi abouties », confie un élu qui a rencontré le binôme et qui s’est dit « frappé par le degré de préparation de cette démarche peu commune en Afrique. Ils semblent avoir bâti une véritable machine de guerre électorale », conclut-il.
5) L’exigence de la décrispation politique. Enfin, l’autre objet de la tournée diplomatique de MM. Katumbi et Tshisekedi concernait le processus électoral lui-même. Pour leurs interlocuteurs, deux points semblent fondamentaux. Le premier concerne la date des élections. Tout le monde s’accorde à dire en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis, que le scrutin présidentiel en RDC devra effectivement avoir lieu le 23 décembre prochain et qu’un nouveau glissement ne saura, sous aucun prétexte, toléré. D’autre part, les dirigeants et diplomates rencontrés par le duo d’opposants RD congolais sont convenus de ne pas transiger sur la mise en œuvre « réelle et sincère » des mesures de décrispation politique, indispensables selon eux à la tenue d’élections crédibles. Ce qui signifie notamment la libération de tous les prisonniers politiques (et pas seulement d’une poignée d’entre eux), ainsi que le retour des exilés dont… Moïse Katumbi.
Pour Joseph Kabila qui a fait du dernier gouverneur de l’ex-Katanga son ennemi numéro un, il s’agit peut-être du point le plus gênant.