Accueil Société

Tanganyika : les élections, nouveau prétexte à des affrontements armés sur l’axe Kalemie-Kyoko

Kalemie, ex-Albertville, est le chef-lieu du Tanganyika, une province née du démembrement de l'ex-Katanga © DR

Dans le nord-ouest de Kalemie, les attaques ciblées contre les Twa se sont multipliées depuis quelque temps. Conséquence, des villages entiers se dépeuplent et les populations se sentent comme des bêtes traquées, ne sachant ni où aller, ni comment vivre. Ces affrontements seraient liés au processus électoral en cours. Explication.

Par Jacky Wetu, notre correspondant à Lubumbashi

Kalemie, comme le reste du territoire du Tanganyika d’ailleurs, est un espace de ruines et de misère où les forces régulières et les groupes armés s’affrontent sur fond de dissension au sujet du processus électoral, qui offre un utile prétexte aux belligérants.

Il y a peu , des ONG ont organisé un match de football dans le village de Miketo (situé à 35 km de Kalemie) pour tenter de sceller le vivre ensemble entre Twa et Bantous, compromis par un inextinguible conflit inter-communautaire.

Au cours de la deuxième quinzaine du mois de septembre, la Monusco a organisé une mission d’évaluation sécuritaire à laquelle plusieurs ONG (nationales et internationales) ont pris part. Celle-ci avait alors constaté que la vie reprenait peu à peu ses droits dans le secteur Kalemie-Kyoko, surtout sur les 50 km qui séparent le village de Muhala de celui de Kyoko. Les villages se repeuplaient, l’activité économique avait aussi repris et cet axe n’était plus classé rouge pour les humanitaires.

Mais voilà que depuis un mois, la région bascule à nouveau dans les affres des hostilités. D’après des sources sur place, l’escalade cette fois-ci est partie du village Muhala (à 85 Km de Kalemie). Les FARDC en poste ont essuyé une attaque des milices Hapa na Pale alliées à Yakutumba, un  déserteur de l’armée qui a monté sa propre rébellion depuis 2007 et qui se planque dans les monts Mitumba et dans certaines zones du Sud-Kivu.

L’attaque de Muhala a fait des victimes parmi les soldats gouvernementaux. Des informations en provenance de sources médicales font état de quatre militaires tués dont deux par balles, un par machette et le dernier brûlé vif.

Arrivée en septembre 2017, la nouvelle brigade, la 22ème, qui a relevé la 61ème affectée dans le secteur de Nyunzu-Kongolo, est sensée contrôler un territoire de 6 044 kilomètres carrés en réalité non-administré malgré le refrain rabâché selon lequel le découpage rapprocherait le pouvoir des administrés. Mais pour un officier supérieur de la nouvelle brigade, « le terrain est vaste ; l’ennemi complexe et hybride ; le conflit asymétrique ».

Lorsqu’une attaque a eu lieu il y a quelques jours, les agresseurs ont été réprimés. Du coup, des expéditions punitives ont été menées contre les pygmées dans deux directions, à savoir Muhala-Kalemie jusqu’au village Kabulo situé à 42 km de Kalemie. Et  Muhala-Kyoko jusqu’au village Mukondo localisé à 10 km de Kyoko.

Plusieurs attaques, plusieurs auteurs…

Cette première attaque, qui a déclenchée l’escalade que l’on connait aujourd’hui, remonte au 19 octobre dernier. Les unités de la 22ème brigade ont été surpris par des milices à la solde de Yakutumba, venus du secteur de Mulolwa. Il y avait parmi eux des Fulero, des Mbembe (deux peuples originaires du Sud-Kivu) et des Pygmées.

Selon un Twa de Muyombo (à 102 km de Kalemie), réfugié à Mukondo, ce groupe d’agresseurs serait venu sensibiliser les Twa à ne pas se rendre aux élections le 23 décembre prochain. « Nous sommes comme la langue au milieu des dents de deux mâchoires. D’un coté, on nous recrute pour des guerres qui n’en finissent pas. De l’autre, on se défoule sur nous. Je ne comprends vraiment rien. La Monusco est passée nous confirmer que les élections auront lieu. Maintenant, c’est Yakutumba qui a été arrêté à Kinshasa et qu’on a libéré au mois d’avril  qui vient nous demander de ne pas aller aux élections et de mener des actes pareils à ceux qui se trament à Beni et en Ituri… Cela se fait en complicité avec les autorités politiques et militaires de Kalemie. Vraiment, la situation est incompréhensible », conclut ce Twa.

Ainsi, la fragile paix dans le Tanganyika a cédé la place à l’horreur et à l’incertitude du lendemain. Notre source énumère les villages abandonnés. Ils sont nombreux : Mugabo Ndjala, Lukombe, Luheka, Lumwanga, Muhala,Kashege, Kinois, Sango-Mutosha, Kiseke, Smeoni,Milindi… Les Bantous ont fui vers Kabulo où il y a un poste des FARDC. Certains Twa sont dispersés dans la forêt. D’autres sont regroupés, en plusieurs centaines, dans le village Mukonde sous le contrôle de leur leader Mayivo.

On signale d’ailleurs la même situation dans le territoire de Nyunzu. Dans le secteur du Nord-Lukuga, précisément à Kisengo, la 61ème brigade est confrontée au même problème que celui que connait le territoire de Kalemie. Mais ici, au moins, une délégation gouvernementale est venu pour tenter de jouer aux sapeurs-pompiers. C’est symbolique, mais c’est déjà ça.