Prévu pour être organisé les 11 et 12 janvier prochain, le « forum pour la paix, la cohésion sociale et le développement du Maniema » a été annulé de fait par le Conseil provincial de sécurité sous un motif spécieux. A Kinshasa d’où l’ordre a été donné, les pro-Tshisekedi redoutent l’union des principales figures politiques de la province.
C’est un petit signe. Mais qui en dit long sur la fébrilité du pouvoir à moins d’un an de la date prévue pour l’élection présidentielle.
Ce mercredi 4 janvier, le forum pour la paix au Maniema prévu les 11 et 12 janvier prochain à Kindu a été reporté sine die, ce qui revient de fait à l’annuler.
« Mardi soir 3 janvier à 18h30 à l’Evêché, j’ai reçu une délégation du Conseil provincial de sécurité, composée entre autres du représentant du gouverneur de province et du directeur provincial de l’ANR. Ils m’ont dit qu’ils venaient me communiquer la décision de ce Conseil me demandant de repousser la date du forum », a indiqué l’Evêque du diocèse de Kindu, Mgr François Abeli Muhoya, président du comité organisateur du forum à l’occasion d’une conférence de presse.
La raison officiellement invoquée peut prêtée à sourire. « Il y a quelques jours dans la ville, on a assisté à la marche des femmes de militaires. Au cours de cette marche, des insultes, des menaces auraient été proférées à l’encontre du chef de l’Etat », a relaté l’Evêque de Kindu.
Cette raison officielle, personne n’y croit. D’autant que cette manifestation n’a rien à voir avec le forum sur la paix. « Il n’y a pas de cause à effet entre ce qui s’est prétendument passé lors de cette marche et le forum que nous organisons depuis plus de six mois (…) Je leur ai dit que je prenais acte mais que je ne partageais pas la justesse de cette décision », a déclaré Mrg François, ajoutant : « Il est clair qu’il y a autre chose derrière cette décision ».
Cet « autre chose », c’est tout simplement le fait, comme le dit sans détour un député provincial, que « les pro-Tshisekedi redoutent par-dessus tout l’union de notre province ». Et celui-ci de pointer du doigt les manœuvres d’un de ses collègues, député provincial lui aussi, Pascal Omana Bikita, membre de l’Union sacrée (USN), la coalition qui soutient Félix Tshisekedi, dans l’actionnement du Conseil de sécurité provincial.
Il faut dire que le Maniema, dont le potentiel économique est sous-exploité, a toujours été le berceau de grands leaders politiques. De Kithima Bin Ramazani, ancien secrétaire général du MPR, le parti-Etat sous Joseph Mobutu, à Alexis Thambwe Mwamba, l’avant-dernier président du Sénat.
La tradition se perpétue jusqu’à aujourd’hui. L’ex-premier ministre Augustin Matata Ponyo ; l’ex-dauphin de Joseph Kabila et candidat à la présidentielle de 2018 Emmanuel Ramazani Shadary ; le sherpa de l’ancien chef de l’Etat Kikaya Bin Karubi ; le bras droit de Moïse Katumbi Salomon Kalonda Della ; ou encore l’ancien ministre Joseph Kokonyangi… tous sont originaires du Maniema.
L’union de ces personnalités, opposées par le passé, constitueraient un danger politique majeur pour Félix Tshisekedi. Dans ces conditions, on comprend mieux l’empressement de son entourage à faire annuler un forum, en apparence anodin, dans cette province reculée de la RDC.