Sur Twitter vendredi, Mike Hammer a tenu à rappeler que les Etats-Unis avaient sanctionné pour corruption le président de la Cour constitutionnelle RD congolaise. Une manière de montrer qu’il ne fait pas preuve de complaisance vis-à-vis du pouvoir en RDC alors que beaucoup s’interrogent sur le soutien accordé par la première puissance mondiale à Félix Tshisekedi.
« La politique américaine est claire : nous sommes aux côtés du peuple congolais. Nous avons imposé des restrictions en matière de visa au président de la Cour constitutionnelle, Bindu Lwamba, pour corruption et sommes prêts à sanctionner les personnes qui entravent les processus démocratiques en RDC, sont corrompues ou violent les droits de l’homme », a insisté sur Twitter l’ambassadeur américain en RDC.
Un tweet, reprenant une déclaration commune des chefs de Mission des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Suisse et du Canada condamnant l’invalidation par la Cour constitutionnelle de dizaines de parlementaires de l’opposition, diffusé quelques heures à peine après la publication d’un article dans le grand quotidien français Le Monde dans lequel l’opposant Martin Fayulu qualifiait l’ambassadeur des Etats-Unis en RDC de « directeur marketing de Félix Tshisekedi ».
A l’évidence, le tweet de Mike Hammer s’apparente à une réponse indirecte aux propos du candidat malheureux à la dernière élection présidentielle et aux questions qu’il soulève.
Il est vrai que la stratégie des Etats-Unis en RDC, à l’issue des élections chaotiques de décembre dernier, n’a pas manqué de soulever des interrogations. Alors que le scrutin a été manifestement entaché de fraudes importantes au point d’en fausser totalement le résultat, la décision surprise des Etats-Unis de prendre acte de la victoire controversée de M. Tshisekedi n’a pas manqué de surprendre. D’autant que cette victoire a été fabriquée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la Cour constitutionnelle, deux instances affidées à Joseph Kabila et… sanctionnées le 22 février dernier par les Etats-Unis pour corruption et entrave au processus électoral*. Une posture paradoxale qui, sur le papier, confine à la schizophrénie.
Une stratégie vendue à Mike Hammer par quelque fonctionnaire de l’ambassade américaine en poste depuis longtemps à Kinshasa
« En réalité, les Etats-Unis parient sur l’émancipation de Félix Tshisekedi à l’égard de son encombrant allié », explique un ambassadeur européen en poste à Kinshasa. Une stratégie « vendue » à Mike Hammer, entré en fonction en décembre 2018, par quelque diplomate américain en poste depuis plusieurs années dans le pays. Mais un pari risqué.
Voilà bientôt six mois que M. Tshisekedi a été investi président de la RDC et les signes de rupture avec le régime précédent, au-delà d’une poignée de mesures cosmétiques, tardent à venir. Simple question de volonté ? Pas tout à fait, car sur le plan politique comme institutionnel, c’est Joseph Kabila qui reste l’homme fort de la RDC et donc le véritable maître du jeu politique.
La stratégie, jugée hasardeuse par certains, de la diplomatie américaine en RDC sera-t-elle couronnée de succès ? Rien n’est mois sûr. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas évident de résister à la pression des Etats-Unis. Hier, la Cour constitutionnelle a accepté de réexaminer sa décision, prise quelques jours plus tôt, d’invalider l’élection de dizaines de parlementaires de l’opposition. Une initiative inédite en RDC…
* NB : c’est le cas notamment de Benoît Lwamba Bindu, le président de la Cour constitutionnelle de la RDC, de Corneille Nangaa Yobeluo et Norbert Basengezi Katintima, respectivement président et vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ou encore de Marcellin Mukolo Basengezi, conseiller du président de la CENI, tous frappés d’une interdiction d’entrée sur le territoire américain.