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RDC : pourquoi la marche de l’opposition a été un succès et pourquoi elle pourrait préfigurer une mobilisation encore plus forte à l’approche des élections

Manifestation contre la machine à voter vendredi 26 octobre sur le boulevard de la libération à Kinshasa © DR

A l’appel des principaux mouvements d’opposition et avec la participation des mouvements citoyens, les Congolais sont massivement descendus dans la rue vendredi 26 octobre. 

Une mobilisation très forte partout dans le pays

S’il est difficile d’avoir un chiffrage précis sur la mobilisation, différentes sources, recoupées à des témoignages visuels, photos et vidéos, montrent que la mobilisation « contre la machine à voter et le fichier électoral vicié » hier en RDC a été très forte.

A Kinshasa, des dizaines de milliers de manifestants ont marché de la place de l’échangeur à Limete jusqu’au Boulevard triomphal. Dans les Kivu, au Nord comme au Sud, la mobilisation a également été très importante. A Goma, plusieurs milliers de manifestants ont défilé du rond point Signers jusqu’au bureau provincial de la CENI. Idem à Bukavu dans le fief de Vital Kamerhe où l’UNC a fortement mobilisé. Le cortège s’est arrêté sur la place du 24 novembre. A Lubumbashi, où la marche avait été interdite, la protestation a pris la forme d’une journée ville-morte, particulièrement suivie. Ce fut notamment le cas dans les communes très populaires de La Kenya et de La Katuba où les activités socio-économiques (écoles, commerces, transports…) étaient complément à l’arrêt. Enfin, à Mbandaka, chef-lieu de la province de l’Equateur, au nord-ouest de la RDC, bastion du MLC de Jean-Pierre Bemba, la mobilisation a également été très importante.

Les Congolais se sont remis en marche

Au-delà de la mobilisation quantitativement importante, la grande leçon à tirer de ce vendredi 26 octobre réside dans le fait que les Congolais se sont de nouveau mis à marcher pour protester. Depuis septembre 2016 et la terrible répression des marches pacifiques, l’opposition s’était contentée de meetings statiques dans des quartiers très populaires, acquises à sa cause (Ndjili à Kinshasa, La Kenya à Lubumbashi, etc.).

« Demander aux gens de marcher est un effort supplémentaire. Depuis deux ans, nous avions opté pour des meetings dans des endroits populaires, là où nous sommes très forts. Mais cette fois-ci, les Congolais, dans les différentes villes, sont venus de partout et non de quelques quartiers seulement. Et ils ont marché. Ce qui dans le contexte actuel n’est pas évident. Les gens restent marqués par la répression féroce des marches précédentes », explique un proche de Jean-Pierre Bemba.

De quoi revigorer le camp du refus de la machine à voter et du fichier électoral vicié. En effet, nombreux ont sans doute été les Congolais à soutenir la marche sans oser y participer. Mais à l’approche des élections, le nombre aidant, ceux-ci pourraient fort bien surmonter leurs craintes et descendre dans la rue. En ce cas, le pouvoir ferait face partout dans le pays à des protestations monstres qu’il aurait le plus grand mal à contenir.

Félix Tshisekedi contraint de « voler au secours de la victoire »

De manière plus anecdotique mais éminemment symbolique, la réaction de Félix Tshisekedi à l’issue de cette journée de mobilisation est révélatrice du succès de l’opposition. Alors que son parti, l’UDPS, a refusé de prendre part à la marche sous d’obscures prétextes, que ses principaux lieutenants (Jean-Marc Kabund y Kabund, Augustin Kabuya, Peter Kazadi…) à travers diverses déclarations en fin de semaine dernière, se sont nettement désolidarisés du reste de l’opposition dans un revirement de stratégie spectaculaire, Félix Tshisekedi, face au succès de cette journée de mobilisation, s’est senti obligé hier, en début de soirée, de se fendre d’un tweet de félicitations à l’endroit des participants à cette marche… à laquelle il avait demandé à ses militants de ne pas participer.

« Félix [Tshisekedi] a senti le vent du boulet. Il est en train de s’apercevoir qu’il a commis une erreur politique majeure. Depuis quelques jours, il essaie de rétro-pédaler mais je crains que le mal ne soit déjà fait », explique un responsable de l’UDPS qui voit d’un très mauvaise œil la perspective d’un rapprochement avec le régime de Joseph Kabila.

Hier, les manifestants, de passage devant le siège de l’UDPS – placé pour l’occasion sous la très haute protection de la police congolaise… – à Limete, une commune de Kinshasa, ont scandé des slogans hostiles à Félix Tshisekedi, le qualifiant de « traite et corrompu ».

Autre signe révélateur de la forte hostilité à l’endroit du président de l’UDPS et de sa nouvelle stratégie, hier, une marche de protestation contre la machine à voter et le fichier électoral « corrompu » a eu lieu à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental, fief jusqu’alors incontesté de ce parti qui, durant plusieurs décennies, a incarné à lui seul l’opposition au régime Mobutu, puis à celui de Kabila père et fils. Une période aujourd’hui, semble-t-il, révolue.