Lundi 5 juillet, cédant à la pression de Félix Tshisekedi et contre l’avis de la majorité des sénateurs qui s’étaient prononcés à deux reprises en séance plénière sur ce sujet, le Bureau du Sénat a répondu favorablement à la demande de levée de l’immunité d’Augustin Matata Ponyo. Pourquoi un tel acharnement contre l’ex-premier ministre ? Explications.
Profitant des vacances parlementaires, lundi 5 juillet, le Bureau du Sénat et son président Bahati Lukwebo ont passé outre le vote négatif à deux reprises courant juin de la majorité des sénateurs en séance plénière pour lever l’immunité d’Augustin Matata Ponyo.
Ces derniers jours, Félix Tshisekedi avait, à plusieurs reprises, montré son agacement face au refus de la chambre haute du Parlement de répondre favorablement à la Justice qui demandait la levée de l’immunité de l’ex-Premier ministre. Il a fini par obtenir gain de cause.
« Pression politique »
Aussitôt, l’entourage de l’ex-premier ministre a dénoncé une décision obtenue sous « pression politique ». A juste titre. Car, comme souvent en RDC, pays où l’indépendance des magistrats est une fiction, la Justice dirige son glaive vers celui que l’Exécutif – la Présidence de la République – lui a désigné.
Question : pourquoi Augustin Matata Ponyo qui ne semble pas, a priori, en mesure de faire de faire de l’ombre à Félix Tshisekedi dans la perspective de l’élection présidentielle de 2023 ? Pourtant, il existe bien un lien entre les ennuis judiciaires de l’ex-premier ministre et l’échéance électorale reine en RDC que Félix Tshisekedi et son entourage entendent bien verrouiller.
Pour parvenir à leurs fins, plusieurs options sont envisagées. La première : gagner du temps dans l’hypothétique espoir de mener à leur terme quelques projets emblématiques et étoffer un bilan bien maigre. Il s’agit, autrement dit, de reporter la date de la présidentielle. Une stratégie éprouvée avec succès en 2016 par Joseph Kabila. C’est ce qu’a clairement laissé envisager M. Tshisekedi dans une interview récente accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique.
Autre indice de cette volonté de faire déraper le calendrier : l’évocation ces derniers jours d’un possible recensement de la population avant la tenue de l’élection. Ce qui conduirait mécaniquement, dans ce pays très étendu de près de 90 millions d’habitants, à outrepasser largement la date constitutionnelle de décembre 2023.
La deuxième option envisagée par Félix Tshisekedi, elle aussi inspirée par son prédécesseur : écarter ses potentiels concurrents. Le président RD congolais sait qu’il ne peut ni compter sur sa base électorale (trop étroite, elle ne dépasse guère les 20 % à l’échelle du pays) ni sur son bilan (plombé par son alliance initiale avec le FCC). Et il sait aussi que la présidentielle se jouera à l’est, là où se trouve le plus grand réservoir de voix du pays.
La présidentielle se jouera à l’est
Après avoir écarté définitivement Vital Kamerhe (Sud-Kivu) de la course à la présidentielle (même probablement gracié dans les mois à venir, celui-ci restera déchu de ses droits civiques et ne pourra donc se présenter à une élection), après une première tentative pour mettre Moïse Katumbi (Grand Katanga) hors-jeu via le projet de loi Tshiani soutenu en sous-main par ses partisans, Félix Tshisekedi tente de faire de même avec Augustin Matata Ponyo (Maniéma).
Pourquoi ? Parce que dans l’hypothèse où il parviendrait à neutraliser Moïse Katumbi, le seul adversaire qu’il craint véritablement, le président RD congolais veut à tout prix éviter que l’important contingent des voix de l’est ne se reporte vers un autre candidat issu de cette partie du pays, ce qui ne manquerait pas de se produire dans un tel scénario.
Il ne faut pas chercher plus loin les raisons – très politiques – des ennuis judiciaires d’Augustin Matata Ponyo…