Ce devait être un événement censé lancer la pré-campagne de Félix Tshisekedi pour l’élection présidentielle théoriquement prévue fin 2023. L’occasion pour l’Union sacrée, coalition hétéroclite de partis politiques, de montrer ses muscles. Las, la montagne promise ce samedi 29 avril à Kinshasa a accouché d’une souris.
Ce samedi soir, les dirigeants de l’Union sacrée tentaient de faire bonne figure. Mais le cœur n’y était pas.
Pourtant, ce devait être un jour de fête. Ce 29 avril, l’Union sacrée pour la nation organisait un « meeting géant » au Stade des Martyrs de Kinshasa. L’objectif des organisateurs : remplir cette enceinte pouvant contenir 80 000 personnes. 20 000 de plus en comptant le terrain. Un objectif à leur portée : Kinshasa est une mégalopole de plus de 15 millions d’habitants.
En cette fin de matinée, les promoteurs de l’événement pensent tenir leur pari. Le Stade est quasiment rempli. Mais ce village Potemkine, décor en carton-pâte bâti à grand frais, ne va pas tarder à s’effondrer.
A 15 heures, heure de Kinshasa et horaire officiel du début du meeting, avec les prises de paroles des principales figures de l’USN (Vital Kamerhe, Jean-Pierre Bemba, Sama Lukonde, Augustin Kabuya, etc.), le Stade est quasiment vide. Moins de 10 000 personnes pour écouter les premiers discours, ceux de Vital Karmerhe et Jean-Pierre Bemba. Pire, quand le dernier orateur, le président de l’Assemblée nationale Christophe Mboso, prend la parole vers 17 heures, il n’y a plus dans le Stade que 2 à 3.000 personnes.
Que s’est-il passé ? Pour tenter de remplir le Stade des Martyrs ce samedi, l’USN n’a pas lésiné sur les moyens : 500 partis politiques mobilisés, 400 églises appelées à la rescousse, des centaines de bus affrétés… Surtout, en échange de leur venue à ce meeting, chaque participant s’est vu remettre une somme de 10 à 20.000 francs congolais. « Dans un pays où la population est aussi clochardisée et où les gens vivent avec moins de 4 à 5 francs congolais par jour, c’est une somme importante. C’est la raison pour laquelle les gens le matin sont venus en nombre », explique un responsable du Comité laïc de coordination (CLC).
« Les gens sont venus pour l’argent. Pas pour la politique »
Ce que confirment les nombreux témoignages des participants. « On a pris le bus très tôt le matin, vers 6 heures (…) Dans le bus, on nous a remis 10 dollars chacun. On nous a donné des drapeaux et on nous a expliqués comme ça allait se passer. Arrivés au Stade vers 7 heures, on est descendu et on nous a conduits dans les gradins à l’emplacement qui nous était réservés. Puis, on a attendu quelques heures et quand on a eu l’opportunité de le faire, un à un au début, puis en groupes de plus en plus nombreux ensuite, les gens sont partis », explique un étudiant de l’UniKin, venue avec une amie. « Les gens sont venus pour l’argent. Moi, avec cet argent, je peux tenir une semaine. Ils ne sont pas venus pour la politique. Ici à Kinshasa, les gens ne croient pas à l’Union sacrée », confie celle-ci avant de nous interpeller : « Vous avez vu dans quel état est le pays ? »
Selon un sondage publié cette semaine par le GEC et Ebuteli, 60 % des personnes interrogées estiment qu’en RDC, « les choses vont dans la mauvaise direction ». Un chiffre sans doute en deçà de la réalité (les sondages sont complexes à réaliser dans ce pays) mais qui en dit long sur le désarroi d’une population très insatisfaite de ses dirigeants et qui n’a d’autre choix que de compter sur elle-même pour s’en sortir au jour le jour.