En dépit d’un climat de répression et des entraves de toutes sortes mises en place par le pouvoir, la mobilisation a été forte samedi pour le premier meeting unitaire de l’opposition.
L’événement est inédit en RDC. Ce samedi 29 septembre face au Stade des Martyrs de Kinshasa s’est déroulé le premier meeting unitaire de l’opposition congolaise. Félix Tshisekedi (UDPS), Adolphe Muzito (ex-PALU), Vital Kamerhe (UNC), Martin Fayulu (Ecidé) et Freddy Matungulu (Congo na Biso) se sont succédés à la tribune. Moïse Katumbi (Ensemble) et Jean-Pierre Bemba (MLC), empêchés à ce stade par le pouvoir de prendre part à l’élection présidentielle, sont intervenus à distance, l’un par visio-conférence, l’autre par téléphone.
En dépit d’un contexte défavorable marqué par la répression toujours très forte du pouvoir à l’égard de l’opposition (il s’agit du premier meeting d’opposants autorisé après 20 mois d’interdiction) et par les nombreuses entraves placées par les autorités pour empêcher les sympathisants d’affluer vers le lieu de la manifestation. En effet, ce n’est sans doute pas une coïncidence si, ce jour-là, les bus de la compagnie Transco étaient tous « en entretien général ». Pas de quoi toutefois empêcher la mobilisation dont l’importance, dans le contexte actuel, a surpris jusqu’aux organisateurs.
« On évalue à plus de 100 000 personnes le nombre des participants à cette manifestation de l’opposition », précise une source sécuritaire réputée pour la fiabilité de ses chiffrages dans ce genre d’exercice. « Dans le contexte actuel, c’est un exploit. Même nous, nous avons été surpris. Quelques jours plus tôt, on avait envisagé de reporter la date de l’événement car on craignait de ne pas avoir suffisamment de temps pour garantir la présence d’un nombre important de participants », confie un des organisateurs.
L’anti-kabilisme, principal moteur de la mobilisation
Qu’est-ce qui explique cette forte mobilisation ? « Il y a un rejet massif dans l’opinion de Joseph Kabila et de son système. Ils ont été incapables de bien gérer le pays durant leurs 18 années au pouvoir. L’anti-kabilisme, c’est le principal moteur de la mobilisation », explique un opposant présent lors du meeting.
Mais pour un autre leader de l’opposition, il y a également une autre explication. « Le fait que l’opposition a l’intention de présenter un candidat unique, cela contribue également à renforcer la mobilisation des Congolais car les chances de l’emporter sont certaines », indique cet ex-premier ministre, « à condition que le scrutin se déroule à la régulière », s’empresse-t-il d’ajouter.
C’est sans doute là l’attente majeure des participants à cette manifestation de l’opposition. Selon les très nombreux témoignages recueillis sur place, il ressort clairement que ceux-ci attendent d’abord que le scrutin soit organisé de manière crédible et inclusive. « Cela ne sert à rien de présenter une candidature commune dans de telles conditions. D’une part, le candidat qui aura été désigné ne bénéficiera que d’un soutien très mou de la part des troupes des autres leaders car il aura été choisi parmi les seuls candidats autorisés par Joseph Kabila à participer aux élections et ça, nous ne l’accepterons pas », explique Michel, la cinquantaine, originaire de l’Equateur et partisan de toujours de Jean-Pierre Bemba. Et celui-ci de faire mine de s’interroger : « surtout, est-ce que vous pensez vraiment que le candidat, même unique de l’opposition, ait la moindre chance de l’emporter avec les élections que nous prépare actuellement le pouvoir ? », en faisant notamment référence à la machine à voter (soupçonnée d’être l’instrument d’une fraude massive) ou encore du fichier électoral (vicié à au moins 25 % selon l’OIF).
« Comment voulez-vous que les élections puissent se tenir le 23 décembre prochain ? »
Si l’idée qu’une candidature unique ne puisse émerger qu’après s’être assuré du caractère crédible et inclusif du scrutin est très largement partagée par les sympathisants de l’opposition présents lors du meeting du 29 septembre, une autre l’est peut être encore plus. « Comment voulez-vous que les élections puissent se tenir le 23 décembre prochain ? Le budget est très loin d’être bouclé et les machines à tricher (NDLR : à voter) ne sont pas encore arrivées. Il y en a plus de 105 000 à distribuer sur l’ensemble du territoire et nous sommes à moins de trois mois maintenant du scrutin. C’est impossible ! », s’exclame Eugénie, une militante de l’Ecidé de Martin Fayulu, qui est partisane, comme beaucoup, d’une relance des actions de rue par l’opposition et la société civile.
A l’instar des nombreux manifestants présents ce samedi 29 septembre au Stade des Martyrs de Kinshasa, les observateurs sont de plus en plus sceptiques sur le fait que les élections puissent être organisées dans les délais fixés par la CENI. Une incertitude qui rouvre le débat sur une transition sans Joseph Kabila, décidément bien peu empressé d’organiser l’élection qui le contraindra à céder le fauteuil de président auquel il est rivé depuis bientôt 18 ans.