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RDC : les événements de ce weekend à Lubumbashi prouvent la volonté de Joseph Kabila de cadenasser l’ex-Katanga à la veille des élections

La police a été lourdement déployée samedi 13 octobre à Lubumbashi pour empêcher la tenue du meeting de l'opposition © DESANGA – Twitter

Ce weekend à Lubumbashi, l’opposition a une nouvelle fois été empêchée de manifester. De fait, l’ex-Katanga est aujourd’hui totalement verrouillé sur le plan sécuritaire, Joseph Kabila craignant par dessus tout qu’une étincelle dans sa province d’origine ne finisse par embraser le pays tout entier.

Par Jacky Wetu, notre correspondant à Lubumbashi

Après plusieurs jours de négociation avec l’autorité urbaine, le Coordonnateur de la plateforme Ensemble, qui soutient Moïse Katumbi, parvient in fine à décrocher l’autorisation d’organiser un meeting sur l’un des terrains de la cité des jeunes, situé dans la commune annexe. C’est donc avec une satisfaction manifeste que Gabriel Kyungu wa Kumwanza passe sur les antennes de la chaîne officielle pour annoncer la nouvelle aux cadres et sympathisants de l’opposition, délivrant pour l’occasion – une fois n’est pas coutume – un message de gratitude envers le maire et distillant diverses informations d’ordre pratique au sujet du futur meeting. Le leader de l’UNAFEC en profite également pour rappeler que la manifestation doit se tenir dans le calme, sans heurts ni incidents.

Si Gabriel Kyungu prend autant de précautions, c’est que par trois fois, ces derniers mois, la police à été déployée pour empêcher toute manifestation publique de l’opposition. Le 3 août dernier, plus de 2 000 soldats – selon des sources au sein de l’aéroport de la Luano – ont débarqué nuitamment, en provenance de Kinshasa, pour surveiller et mater les manifestants alors que le retour au pays de Moïse Katumbi était annoncé pour le jour suivant.

Ce dernier, qui n’a pu atterrir à Lubumbashi, avait tenté de rejoindre la ville via le poste frontière de Kasumbalesa, situé à la frontière congolo-zambienne. Ce jour-là, la police et les services de renseignements commettent de nombreuses exactions, des actes de torture sur des jeunes dont le seul tort est d’afficher leur sympathie à l’égard du dernier gouverneur de l’ex-Katanga. Le 5 août, 54 d’entre eux sont arrêtés et déférés au poste de police, de recherche et d’investigation à Lubumbashi. Pour être relaxés et en sortir, les malheureux doivent payer jusqu’à 100 dollars chacun.

D’une violence l’autre

Quelques semaines plus tard, le 18 septembre, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, toujours lui, est empêché de tenir un meeting à Lido Golf. Le 21 du même mois, il tente d’en organiser un autre à la cité Kalebuka pour présenter les candidats de sa plateforme aux élections législatives nationales et provinciales. La police et la garde républicaine s’interposerent et disperserent les militants. Quant à Kyungu, il est ramené chez lui manu militari. Bilan de la journée : un mort, plusieurs blessés et vingt personnes interpellées.

Le vendredi 13 octobre, la mobilisation et les préparatifs pour le grand meeting du samedi suivant vont bon train. Le soir, la ville accueille une délégation composée des ténors de l’opposition venus de Kinshasa pour cette grand-messe politique. Elle doit se réunir à la villa Ankoro, la résidence de Kyungu wa Kumwanza, au bord du lac municipal. Mais surprise : un imposant dispositif policier y est déployé qui empêche l’accès à la résidence à Martin Fayulu, Adolphe Muzito, Delly Sesanga, Christian Mwando, etc. « C’est que nous redoutions. Ces gens sont imprévisibles et malgré l’autorisation donnée par le maire, ils viennent nous mettre des bâtons dans les roues », déclare peut après un des « généraux » de l’UNAFEC. Quelques heures plus tard, les autorités justifieront ce blocage par le fait que la délégation d’opposants venue de Kinshasa n’était pas mentionnée dans la demande d’autorisation de manifestation…

A partir de là, les choses s’accélèrent. La maire adjointe de Lubumbashi, Laurianne Kalombo Mwewa, sur instruction du ministre national de l’Intérieur, l’un des caciques du PPRD, qui n’est autre que son beau-frère, annule l’autorisation signée trois jours auparavant par le maire, qui est censé être son supérieur hiérarchique. Ubuesque

La suite est du même acabit, tournant parfois à la tragi-comédie. Le grand meeting de l’opposition n’a effectivement pas lieu. Les policiers, appuyés par la garde républicaine venue du camp de Kibembe, et déguisés en PNC, volent l’écran géant installé au stade à partir duquel Moïse Katumbi devait s’adresser à la dizaine de milliers de ses sympathisants venus spécifiquement pour l’écouter. Quant aux délégués de Kinshasa, qui ont essayé de se rendre sur le lieu du meeting, ils ont essuyé des tirs à balles réelles au niveau du marché Ndjandja. A ce bilan, il faut ajouter plusieurs blessés et de nombreuses interpellations.

Pourquoi un tel verrouillage ? Parce que Joseph Kabila craint par dessus-tout un soulèvement populaire dans l’ex-Katanga, sa province d’origine mais aussi celle de son principal rival politique Moïse Katumbi. Si un tel soulèvement se produisait, celui-ci ne manquerait pas, dans un effet domino, de toucher tour à tour les autres provinces du pays. Dès lors, le risque que le château de cartes ne s’effondre serait très grand compte tenu du niveau record d’impopularité de l’actuel président (hors mandat) et son régime.

Ce samedi 13 octobre à Lubumbashi, ça n’est pas l’opposition qui a perdu une bataille mais la démocratie en RDC. Ou, du moins ce qu’il en reste, c’est à dire plus grand chose.