Ancien ministre, aujourd’hui directeur de cabinet de Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu est sans conteste l’un des hommes politiques RD congolais les plus brillants de sa génération. Sa finesse d’analyse est particulièrement recherchée par les diplomates et observateurs internationaux à la recherche d’un éclairage subtile et fiable sur la RDC et ses complexités. Dans cette interview au Congo Libéré, Olivier Kamitatu revient sur le climat politique actuel, délétère, marqué par une forte répression de l’opposition. Félix Tshisekedi, dont il qualifie le régime de « jeune dictature », est devenu, assure-t-il, un facteur d’instabilité pour la RD Congo comme pour ses voisins. Et de prévenir, ce président impopulaire, longtemps protégé par son patronyme et sa bonhommie, qui peine désormais à faire illusion après bientôt cinq années désastreuses au pouvoir, ne parviendra ni à écarter Moïse Katumbi de la présidentielle, ni à se maintenir à son poste.
En 2020, la Covid ; en 2021, le FCC ; en 2022, la main noire ; en 2023, le Rwanda… Félix Tshisekedi et son gouvernement ne sont donc responsables de rien en RDC ?
Ce que nous attendions du Gouvernement et du Chef de l’Etat, c’était d’assumer leur responsabilité, toute leur responsabilité. Ils ne le font pas. Ils cherchent à tout bout de champ des bouc-émissaires. Ils sont dans le déni et l’irresponsabilité. Le fondement d’un comportement responsable est l’intégrité, engendrant l’honnêteté, l’exactitude, la transparence, conjointement avec une saine conscience des risques. Tout ce qui a manqué et qui manque au régime actuel pour la gestion des affaires du pays. Est-il nécessaire de rappeler qu’en 2020, les millions de dollars alloués à la gestion de la Covid se sont évaporés sans trace, et que depuis 2021 jusqu’à ce jour, des projets fantomatiques ont été lancés à fonds perdu, et les responsables de ce gouffre financier bénéficient toujours de l’impunité ?
A six mois de la présidentielle, la répression contre l’opposition s’accentue. Si le fait de s’en prendre aux opposants dans de telles périodes n’est pas nouveau, celui de s’en prendre également à leur famille l’est davantage…
S’en prendre à la maman d’un opposant qu’on vient de kidnapper sur un tarmac d’aéroport, qu’on garde au secret dans un cachot des services de renseignement militaire, qu’on prive pendant une semaine de ses avocats est un acte d’une lâcheté inouïe. Fallait-il s’attaquer à la mère de 85 ans de Salomon Kalonda et à sa grande sœur ? Deux personnes faibles et totalement étrangères à la chose politique. Et de surcroît une Maman. C’est absolument révoltant, tout-à-fait révulsant ! Idem pour le petit-frère de l’ancien premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Pour tous ceux qui ont été élevés dans la culture judéo-chrétienne, l’agression du faible, c’est l’œuvre du diable. Il n’y a pas de compassion chez Satan. Et quand on agresse celui qui est faible, la compassion manque. Il y a toujours besoin de salir l’autre. « Quand nous nous apercevons que nous avons en nous le désir d’agresser une personne parce qu’elle est faible, n’ayons pas de doute: le diable est là ». Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Pape François dans une de ses méditations sur l’offense faite aux faibles. Au Congo, sous ce régime, on a atteint le fond de l’âme humaine. On a dépassé les limites acceptables au regard de nos traditions et valeurs Bantoues, il n’y a aucun souvenir d’une violence aussi brutale et féroce contre une pauvre maman au motif exclusif qu’elle est génitrice d’un acteur politique. En s’attaquant à des personnes aussi faibles, le pouvoir expose en réalité sa propre faiblesse et sa fragilité au vent de l’Histoire.
Un tel niveau de tribalisation de l’appareil politico-administratif, c’est aussi inédit…
Depuis l’indépendance, on a jamais vu un repli identitaire aussi puissant d’un pouvoir aux abois. La République Démocratique du Congo est en train de régresser du stade de la nation à celui d’une juxtaposition de tribus, dont certaines sont en guerre les unes avec les autres. C’est ce qui affaiblit considérablement le pays. Mais le plus grave, c’est que cet éclatement de la société recoupe en partie des clivages ethniques entretenus par le pouvoir. La cohésion nationale est menacée. Si l’on n’y prend garde, ceux qui monopolisent à peu près tous les postes du pouvoir d’Etat, sans prendre en compte les grands équilibres du pays seront, devant l’Histoire, tenus responsables de l’éclatement du Congo. L’art du dialogue et du compromis qui depuis la Conférence Nationale Souveraine et le Dialogue Intercongolais de Sun City avait caractérisé notre système politique est perdu. La tribalisation du pays à laquelle nous assistons depuis l’arrivée de ce régime aggrave les risques de balkanisation, faisant courir à la société congolaise un grand danger. Le seuil de décomposition de la RDCongo est désormais de l’ordre du possible. La très grave érosion du consensus sur lequel est fondée la Nation, ce que d’aucuns appellent le Pacte Républicain, est accélérée et amplifiée par la faiblesse des institutions. Comme partout au monde, nos institutions n’ont de valeur que par la puissance et la solidité des forces politiques qui les font vivre. Or, en RDCongo, les centaines de partis politiques et leurs leaders se livrent à l’achat des consciences sans se préoccuper des Congolais. La corruption généralisée au sein de la classe politique a achevé de détruire le socle institutionnel sur lequel repose le pays. Á elles seules, nos institutions – exécutif, législatif, cours et tribunaux – ne peuvent plus garantir la paix civile. Il faut qu’existe un consensus minimal entre les citoyens pour obtenir cette garantie. Félix Tshisekedi et Denis Kadima sont en train de tuer le dernier espoir qui nous reste en cherchant à organiser des élections frauduleuses. Ils sont en train de déconstruire le Congo et de mettre à mal l’unité et la cohésion nationale dont le pays a nécessairement besoin pour faire face aux défis sécuritaires auxquels nous sommes confrontés depuis bientôt trois décennies.
Les autorités congolaises semblent vouloir faire du Rwanda le seul sujet de campagne. Pour masquer le reste ?
On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses voisins. Mais de l’une et de l’autre, on peut se faire respecter, se faire craindre ou se faire aimer. C’est selon. Quand le Président Félix Tshisekedi a décrété que le Président Paul Kagame était son frère, 100.000 partisans de l’UDPS sont allés l’applaudir à tout rompre au stade des Martyrs. Félix Tshisekedi et Denise Nyakeru ont entamé une véritable lune de miel avec le couple Kagame. Quelques mois plus tard, lorsque Félix Tshisekedi a considéré que Paul Kagame et le régime Tutsi étaient les plus grands ennemis du Congo, les extrémistes de l’UDPS qui hier applaudissaient ont sorti les machettes dans la capitale pour massacrer tout celui qui ressemblait à un frère ou une sœur de Paul Kagame. En cinq années d’exercice du pouvoir, on a assisté à une politique d’essuie-glace. Nous sommes allés d’errements en égarements dans notre politique de bon voisinage. Nous avons confondu les relations personnelles et les intérêts de l’Etat. Aujourd’hui, nous payons le prix d’une politique irresponsable et privée de boussole.
Comment procéderiez-vous avec le Rwanda si vous étiez au pouvoir ?
En ce qui concerne Moïse Katumbi et notre parti Ensemble, nous demeurons indéfectiblement attachés, comme les Pères de l’Indépendance, aux principes de l’unité, de l’intégrité territoriale et à la souveraineté de notre pays. Nous mettrons tout en œuvre pour renforcer les institutions et les mécanismes pour les mettre en œuvre. Les hommes passent, les institutions restent. Parmi les principes de base que nous énonçons, primo, et quel que soit le pays voisin en cause, aucun mètre carré du territoire national ne peux être cédé à qui que ce soit, l’intégrité et la souveraineté nationale ne sont pas négociables et les richesses du Congo appartiennent aux Congolais ; secundo, la RDCongo ne peut plus être un sanctuaire ou servir de base arrière à partir de laquelle des groupes armés ou des forces négatives étrangères sèment le désordre et la mort au sein de nos populations ; tertio, tous les groupes armés congolais doivent être mis hors d’état de nuire et les populations doivent pouvoir retrouver une vie normale dans leur village d’origine. Lorsque Joseph Kabila a quitté le pouvoir, il restait une quarantaine de groupes armés, aujourd’hui ils sont plus de 160 à opérer dans l’Est du pays et dans la banlieue de Kinshasa ; quarto, l’armée congolaise doit être remise en capacité de pouvoir assumer pleinement son rôle. Elle doit être bien équipée, bien encadrée et surtout bien payée. Peut-on vraiment accepter que des mercenaires soient recrutés et payés des milliers de dollars par mois alors que nos vaillants soldats sont réduits à un salaire de misère, sans équipements, sans tenue, sans soins médicaux et sans ravitaillement. Et enfin, cinquièmement, il faut arrêter avec l’internationalisation de la guerre à l’Est qui nous ridiculise aux yeux de l’Afrique et du monde. La RDCongo doit faire appel à un partenaire non impliqué dans les guerres de l’Est. Un partenaire qui ait la crédibilité et la force d’être respecté par toutes les parties prenantes. Pour nous, il s’agit de l’Angola.
Sur le Rwanda, le gouvernement cherche à focaliser le débat sur le fait que Moïse Katumbi n’aurait pas condamné « le soutien rwandais au M23 » ? Pour faire oublier sa responsabilité dans la résurgence de la guerre à l’est et son incapacité à la gérer ?
Je le répète, la recherche des bouc-émissaires est un exercice auquel le gouvernement et l’UDPS nous ont habitué. Mais les Congolais ne sont pas amnésiques au point d’oublier que c’est le gouvernement qui avait invité le M23 à la discussion à Kinshasa dans le plus grand secret. Félix Tshisekedi et ses amis n’avaient-ils pas à l’époque offert le couvert et le gîte aux officiers du M23 pendant plus de neuf mois à Kinshasa ? Leurs discussions ont achoppé. Pourquoi ? Quelle est la raison du différend ? Personne ne le sait. Ni vous, ni moi. Ce que je peux affirmer preuve à l’appui, c’est que dès le début de la reprise en force des opérations militaires du M23, Moïse Katumbi a encouragé notre armée à faire obstacle et à écraser la rébellion. Il s’est rendu dans les camps de réfugiés. Il a écrit à Félix Tshisekedi afin de lui demander d’investir massivement dans notre armée et dans les infrastructures de l’Est du pays. Il s’est ému de l’absence de réactions du pouvoir. Il a fustigé le comportement larmoyant et le discours victimaire de Félix Tshisekedi dans ses allers et venues en Afrique et dans le monde. Il a dénoncé publiquement le soutien du Rwanda au M23 sur RFI et France 24. Qui peut dire le contraire ? Aujourd’hui, Monsieur Muyaya (le ministre de la Communication, NDLR) se fend du soir au matin de déclarations mensongères. Quelques journalistes du pouvoir en font autant et lui emboîtent le pas. La vérité est têtue. Le pouvoir cherche tout simplement des faux dossiers à mettre sur la tête de Moïse Katumbi. Pour cela, on veut laisser croire à des amitiés douteuses, des complicités avérées entre Moïse Katumbi et le Rwanda. On cherche à flouer l’opinion congolaise par des contre-vérités. Tout cela est grotesque et cousu de fils blancs. En réalité, le pouvoir est désemparé et a peur de Katumbi. Il cherche coûte que coûte à l’éliminer de la course à la présidentielle mais sa propagande ne résiste pas aux évidences et aux faits.
N’est-il pas naïf de penser que quelqu’un qui s’est emparé de manière malhonnête du pouvoir est prêt à le rendre de façon honnête, par exemple à travers d’élections crédibles et transparentes ?
Effectivement, tout laisse croire que ceux qui sont arrivés au pouvoir par un accord sous seing privé, n’ont aucun compte à rendre aux Congolais. Ils le démontrent chaque jour. Ils n’ont d’ailleurs pas hésité une seconde à chasser du pouvoir celui qui le leur avait donné sur un plateau d’argent. Seuls aux commandes, leur impéritie est devenue totale. Le pouvoir actuel veut aujourd’hui organiser un simulacre d’élection pour amuser la galerie et faire bonne figure sur la scène internationale et continuer à obtenir des fonds des bailleurs et des partenaires. Malheureusement pour eux, les Congolais ne sont plus dupes. Ils ne sont plus disposés à ce qu’une poignée d’individus, cultivant l’entrisme ethnique de surcroît, viennent se moquer d’eux en méprisant leurs suffrages. Á trop tirer sur la corde, elle risque de se briser. La classe politique va tôt ou tard en payer le prix. Pour que le Congo ne continue pas à sombrer dans la décomposition et dans l’anarchie, dont on sait bien qu’elles créent une demande d’ordre et débouchent souvent – comme en Guinée, au Mali, au Burkina – sur des régimes autoritaires, il faut que les citoyens congolais éprouvent à nouveau un sens profond de réciprocité, d’obligation mutuelle, qu’ils soient gagnés par une culture de victoires communes qui transcende nos différences et consolide l’identité et la fierté nationales. Nous devons réapprendre à vivre ensemble. De bonnes élections sont la voie pour parvenir à ce sursaut. Mais nous n’en prenons pas le chemin. C’est ce moment de l’histoire que monsieur Félix Tshisekedi et ses amis choisissent pour crucifier l’avenir du Congo sur l’autel de leurs ambitions personnelles.
L’hypothèse d’un boycott des jeux de la Francophonie, prévus fin juillet prochain à Kinshasa, est évoquée dans les milieux diplomatiques. Qu’en pensez-vous ?
Les jeux de Berlin ont été l’occasion pour le régime nazi de parader. En 1978, le général argentin Jorge Rafael Videla, qui est mort en 2013, à 87 ans, dans une prison près de Buenos Aires, a organisé la coupe du monde de football dans un stade où les vestiaires étaient des lieux de torture. Je ne sais pas si l’Histoire rangera demain Félix Tshisekedi parmi les dictateurs qui ont tenté d’utiliser le sport pour couvrir leur forfait, mais ce dont je suis sûr c’est que les Congolais ont avant toute chose besoin de retrouver leur fierté. Ils ont besoin de retrouver confiance en eux-mêmes. Je crains que les jeux de la francophonie de Kinshasa ne laissent qu’une image dégradante de corruption, d’impréparation, et d’amateurisme. Dans un contexte de crise sécuritaire, politique, économique et sociale, les jeux de la francophonie seront la vitrine, non pas du succès, mais de la plongée dans les eaux profondes et noires de la corruption, du totalitarisme, de tous les excès d’une jeune dictature. Bien sûr, tous les phares de la communauté internationale seront braqués sur la RDCongo, la nation la plus corrompue du monde qui, bien qu’étant le premier producteur mondial de cobalt et le troisième de cuivre au monde laisse 100 millions de Congolais dans une misère noire. Je suis persuadé que beaucoup de gens se chargeront de faire le marketing d’un tel champion de la contre-performance. Donc, je ne soutiens pas le boycott mais bien l’impérieuse nécessité de ceux qui viendront dire au monde à quel point le Congo va mal, très mal !
Comment comprendre que, dix mois après la décision de la Justice de placer Jean-Marc Kabund en résidence surveillée, celui-ci soit toujours à Makala ?
La justice congolaise ne se grandit pas dans les dossiers des prisonniers politiques. Certes il y a de bons juges, de bons magistrats, mais malheureusement, le pouvoir politique interfère encore et toujours sur les décisions de justice. Entre hier et aujourd’hui, le pouvoir a changé de visage mais pas de méthode. C’est un trait caractéristique des dictatures et une mauvaise habitude des autocrates. On arrête, on humilie, on embastille et ensuite, on se pose des questions en redoutant les dangers du déballage public. On calcule le préjudice et on s’enferme dans une logique d’éviter le pire en gagnant du temps. Mais le temps s’égrène inexorablement. Tôt ou tard, Jean-Marc Kabund, dont je ne partage pas la philosophie politique, aura l’occasion de se défendre. Je crois que l’honorable Kabund a beaucoup de choses à dire. Je n’ai aucun doute que l’accusé deviendra accusateur. Pourvu que le peuple congolais puisse avoir la chance de suivre le procès.
Les prisonniers politiques sont bien de retour. Félix Tshisekedi renoue avec la tradition de la dictature. Son air bonhomme et patelin ne trompe plus personne. La comparaison avec Louis XIV vient des courtisans du pouvoir eux-mêmes. Recrutés pour nombre d’entre eux dans les rangs du parti présidentiel, on doit leur laisser la paternité de cette référence historique. Le ridicule ne tue pas et la réalité peut même parfois faire illusion. Félix Tshisekedi s’est construit un Versailles qui a coûté près de 180 millions USD. J’exagère en évoquant la construction. Il a réhabilité le Mont Ngaliema avec des pelouses et des fontaines dignes d’André Lenôtre, le roi des jardiniers. Pendant ce temps, son surintendant des Finances (le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, NDLR) se construit son Vaux-le-Vicomte en face du ministère des Affaires Etrangères pour la bagatelle de 290 millions USD. L’histoire retient que le Roi Soleil a éclaboussé le monde de son éclat en laissant son pays exsangue et les paysans à l’abandon. Tandis qu’à vouloir offusquer le Soleil, le second (Nicolas Kazadi) qui partage le prénom de son illustre prédécesseur (Nicolas Fouquet, le surintendant des Finances du Roi Louis XIV, NDLR) devrait se rappeler que ce dernier a terminé ses jours en prison. La comparaison serait cocasse et prêterait à sourire s’il n’y avait pas 100 millions de Congolais réduits à la faim et à la plus extrême misère au monde, une génération de jeunes gens sacrifiés et abandonnés à eux-mêmes, et des millions de compatriotes condamnés à vivre dans la plus totale insécurité en errance ou dans des camps de déplacés dans leur propre pays pour échapper aux massacres, aux viols et aux exactions des groupes armés. A côté de la place d’honneur au tableau des pays les plus corrompus au monde révélé par Transparency International, le PAM disait il y a quelques jours que Félix Tshisekedi peut ajouter à son bilan le record des ventres affamés.
Pourquoi Etienne Tshisekedi n’a jamais voulu faire de Félix son successeur ?
Je me refuse d’entrer dans les méandres de la maison Tshisekedi. Je n’en connais ni les couloirs, ni les contours, ni les lieux cachés. Par contre, je sais que le Président Etienne Tshisekedi avait élevé Valentin Mubake au rang du premier de ses hommes de confiance, et peut-être à celui d’héritier politique. Loin de toutes considérations ethno-tribales, le sphinx avait une vision du combat et une volonté de rassembler la Nation sur les valeurs auxquelles il avait mené son combat et sacrifié toute sa vie. En réalité, à cette époque, c’est l’insistance de Moïse Katumbi qui a mis Félix Tshisekedi sur l’avant-scène politique. Á l’époque, les deux hommes issus de la même génération, partageaient la même vision pour le Congo et le bonheur des Congolais. Le premier était sincère.
Êtes-vous libre aujourd’hui de circuler librement dans votre propre pays ?
J’entends partout que je serais sous la menace d’une arrestation. La presse en a fait écho en annonçant ce qui allait arriver à Salomon Kalonda. Donc, les officines du pouvoir étaient déjà en action. Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on. Aujourd’hui, il se dit toujours que le pouvoir cherche à tout prix à priver de leur liberté Moïse Katumbi de ses plus proches collaborateurs. On cherche à briser l’élan de sa candidature pour la prochaine présidentielle. Salomon Kalonda est la victime innocente de cette machination. Nos ennemis n’hésitent pas à instrumentaliser les services et à tenter de fabriquer des fausses preuves pour arriver à leurs fins. Il se dit aussi que certains opposants insupportent le pouvoir. Ils sont dans Ensemble, dans ECIDE de Martin Fayulu, dans ENVOL de Delly Sesanga, dans LGD du Premier Ministre Augustin Matata. Ils sont même au sein de la Société Civile qui s’émeut de ce qui arrive dans le pays. Je fais certainement partie de ceux dont la voix et le discours dérangent. Hier ceux qui étaient arrêtés, torturés, battus, humiliés, insultés, sont ceux qui aujourd’hui arrêtent, torturent, battent, humilient, insultent. Il n’a fallu que quelques mois pour en arriver là. Terrible constat.
Vous n’avez pas peur ?
Non, nous n’avons pas peur. Récemment, Moïse Katumbi nous a rappelé que notre combat est juste et noble. Il nous a exhorté de ne jamais reculer car nous sommes dans la vérité. Ceux qui cherchent à fabriquer de faux dossiers et à s’attaquer aux lieutenants de Katumbi ne réussiront pas. Car, si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? Face à la descente du pays aux enfers, aux côtés de Moise Katumbi, nous sommes fiers de porter une offre politique alternative pour sortir le Congo du cycle infernal de l’insécurité, de la misère et du sous-développement afin de sauver le Congo et son peuple. C’est le sens et l’essence même de notre combat.
Hier, mon ami Cellou Dalein Diallo, le célèbre opposant guinéen, de surcroît Vice-Président de l’Internationale Libérale, m’a appelé pour me transmettre ses encouragements ainsi qu’à Moïse Katumbi. Il m’a dit qu’en Guinée, l’ancien pouvoir avait confisqué l’instrument d’organisation des élections, ensuite il avait concocté son fichier électoral et enfin il s’était assuré du monopole de la gestion du contentieux en faisant main basse sur la Cour Constitutionnelle. Il avait tout en main pour gagner les élections, m’a-t-il dit. Malheureusement Alpha Conde et l’opposition guinéenne n’avaient pas prévu le coup d’Etat. Cellou Dalein est un observateur attentif de la RDCongo. Il lui semble que nous empruntons le même chemin que la Guinée. Il vient tout récemment de s’adresser lors d’une conférence aux généraux de l’OTAN pour leur exprimer toute sa déception de voir que l’Occident ne réagissait plus aux élections truquées, aux changements de Constitution et au retour des dictatures en Afrique. L’Occident a oublié l’Afrique à cause du conflit en Ukraine, m’a-t-il dit. Je crois que mon ami Cellou Dalein n’a pas tout à fait tort. En RDCongo, nous avons encore notre destin en main. Nous devons nous battre pour éviter ce qui est arrivé en Afrique de l’Ouest hier et au Soudan aujourd’hui. Si nous sommes mobilisés nous pouvons encore arracher des élections démocratiques, crédibles, transparentes et inclusives. Notre combat aboutira. Même si certains veulent en prendre le chemin, 2023 ne sera pas la réédition de 2018.
Comment concrètement y parvenir ?
Nous devons chaque jour, avec force et conviction, exiger le respect de la Constitution et des lois de notre pays. L’opposition est en droit d’exiger d’occuper les sièges qui lui reviennent à la CENI. Elle n’y est pas représentée. Nous devons obtenir le rééquilibrage de la Cour Constitutionnelle où trônent des magistrats dont la majorité ont été désignés sur une base ethnique par le pouvoir. Et nous devons enfin continuer à réclamer l’audit du fichier électoral. Faute de quoi, nous allons assister à une parodie qui va déboucher sur un cycle de contestations, de désordres et de violences. Ceux qui croient être en capacité d’organiser une nouvelle fraude et acquérir une majorité fabriquée dans leurs bureaux se trompent lourdement. Le peuple congolais a fait l’expérience de la fraude. Elle ne sera pas facile à rééditer croyez-moi. Nul ne peut douter que le peuple congolais reprendra son destin en main. Comme l’a écrit Cléophas Kamitatu, le pouvoir est à la portée du peuple. Nous le ferons triompher !