Si son style est différent de celui de l’ex-patron de l’ANR, Kalev Mutond, sur le fond, la ligne adoptée par François Beya vis-à-vis des opposants jugés les plus dangereux pour le régime reste, à peu de choses près, la même. Le cas de Moïse Katumbi l’illustre parfaitement, comme l’a révélé l’hebdomadaire Jeune Afrique.
Nommé conseiller spécial du président de la République, Félix Tshisekedi, en février dernier, François Beya Wa Kasonga, l’ex-patron de la Direction générale de la Migration (DGM), très proche de Joseph Kabila, « fait le job », dit-on.
Entre autres missions, il a été chargé de suivre (« de bloquer », nous reprend un opposant) les dossiers concernant Moïse Katumbi à la présidence.
« Le conseiller à la sécurité du président a exigé que tous les dossiers de demande de survol et d’atterrissage sur le territoire concernant en particulier Moïse Katumbi passe par lui », indique plusieurs sources.
Conséquence : par deux fois en l’espace de quelques jours (fin mai-début juin), l’opposant s’est vu interdire sa venue à Goma, la capitale du Nord-Kivu, ce qui la contraint à reporter sine die sa tournée nationale.
C’est le même François Beya qui, comme l’indique de manière pudique, un article de Jeune Afrique, « a expliqué, avec diplomatie, qu’il n’était pas forcement souhaitable que Moïse Katumbi assiste aux obsèques d’Etienne Tshisekedi (organisée fin mai à Kinshasa) » et « l’a incité à différer son safari – la tournée nationale que Katumbi comptait entreprendre à son retour au pays – pour des raisons de sécurité. »
C’est également lui qui, selon diverses sources, superviserait le blocage de la délivrance du passeport de Salomon Kalonda, le bras droit de Moïse Katumbi et une pièce majeure dans le dispositif de l’opposant, empêché sans raison légale de rentrer en RDC.
De fait, François Beya, la soixantaine et originaire du territoire de Dibaya dans le Kasaï-Central, occupe aujourd’hui aux côtés de Félix Tshisekedi le rôle que jouait par le passé Kalev Mutond pour le compte de Joseph Kabila, ce que confirme un de ses ex-collègues avec lequel il a longtemps travaillé au sein de la DGM.
« Beya est l’homme le plus puissant au sein de la présidence, après le chef de l’Etat bien sûr et son directeur de cabinet, Vital Kamerhe. Ce dernier n’a d’ailleurs pas d’autorité sur lui. Beya traite directement avec le président », confie une source très au fait du fonctionnement de la présidence. Signe de sa puissance : un bureau a été mis à sa disposition à la fois à la Cité de l’UA et au Palais de la Nation.
Mais Beya n’est pas tout à fait le « gentil flic », un « modéré » réputé pour sa « tempérance » que certains se plaisent à dépeindre afin de marquer une forme de rupture avec le système précédent, piloté par Kalev Mutond.
« Le style est différent, c’est vrai. Là où Kalev se montrait volontiers rustre et menaçant, Beya est plus fin, plus courtois, affable et, parfois même, déférent. Mais, sur le fond, la ligne reste la même : une grande fermeté vis-à-vis de certains opposants. Simplement, on le fait plus en douceur, avec plus d’élégance, moins grossièrement, ce qui est plus adapté à l’image que souhaite se donner la présidence de Félix Tshisekedi », commente une source originaire, comme François Beya, de la province du Kasaï-Central et qui a fait toute sa carrière dans les services de renseignement.
Et celui-ci de citer le cas de Moïse Katumbi (« D’un côté, on le laisse rentrer d’exil, afin de s’attirer les bonnes grâces de l’opinion nationale et la communauté internationale ; de l’autre, on l’entrave dans ses mouvements et on l’empêche de mener librement ses activités ») ou de celui de son bras droit, Salomon Kalonda (« On se montre plus sélectif : on épargne les uns, moins dangereux ou déjà ‘retournés’, et on épingle les autres, dont on continue de se méfier »).
Sourire aux lèvres, notre interlocuteur conclut en comparant Kalev et Beya en usant d’une métaphore : « Au fond, l’emballage a changé. Il paraît plus sympathique. Mais à l’intérieur, le produit reste le même. Il est même peut-être plus nocif – comprendre plus efficace – car on se méfie moins. »