Tout était prévu. Le secrétaire général de l’ONU et le président de la commission de l’Union africaine devaient se rendre à Kinshasa la semaine prochaine. Mais, à l’instar des fois précédentes, tout a été annulé. Tout comme d’ailleurs les déplacements de Joseph Kabila prévus ces dernières semaines en Angola, en Afrique du Sud, au Rwanda, ainsi qu’au dernier Sommet de l’UA à Nouakchott. Officiellement, le président (hors mandat) RD congolais n’était plus disponible et aucune nouvelle date n’a encore été fixée. Inquiétant alors que s’ouvre dans quelques jours, le 25 juillet précisément, le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle…
C’est en janvier dernier, en marge du Sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, que le principe d’une visite commune ONU-UA à Kinshasa a été acté. Trois dates fermes ont depuis été successivement arrêtées : en avril, en juin puis finalement en juillet (du lundi 9 au mercredi 11). Les billets d’avion et les hôtels ont été réservés. Mais à chaque fois, à la dernière minute, tout est reporté.
Cette fois-ci, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, devaient arriver à Kinshasa lundi soir par le même vol, rencontrer Joseph Kabila mardi et repartir mercredi. Mais les autorités congolaises ont fait savoir ces dernières heures que Joseph Kabila n’était finalement plus disponible. Une excuse officielle à laquelle ne goûte guère, c’est peu de le dire, des intéressés. « C’est un peu léger comme prétexte », s’agace un proche de M. Guterres.
Mais officieusement, les choses sont beaucoup plus simples. Joseph Kabila fait tout pour éviter les responsables politiques de plus en plus nombreux qui le pressent à quitter le pouvoir. « Il n’a rien à leur dire », confie un diplomate en poste à Kinshasa, connu pour ne pas manier la langue de bois, qui poursuit :
« Il a promis à certains qu’il ne se représenterait pas pour un troisième mandat. Or, Joseph Kabila cherche par tout moyen et à tout prix à s’accrocher à son fauteuil de président. Ne pas le reconnaître, c’est se mettre le doigt dans l’œil. Partant de là, il a trois solutions : dire à ses interlocuteurs brutalement qu’il se présentera à la présidentielle, mais ça n’est pas dans son style fuyant ; leur mentir à nouveau en leur disant qu’il n’ira pas, mais le problème, c’est que les échéances arrivent à grands pas et que le mensonge ne prend plus avec ses interlocuteurs ; ou bien les éviter. C’est cette solution, probablement la moins mauvaise des trois, qu’il a manifestement choisi. Il entend ainsi les mettre le moment venu devant le fait accompli en disant qu’un parti – et non lui, Joseph Kabila – a déposé sa candidature ; candidature rejetée par la CENI mais validée par la Cour constitutionnelle. Un scénario censé le dédouaner de toute responsabilité car il pourra dire que tout cela a été fait à son corps défendant et dans le strict respect des lois du pays », explique ce diplomate chevronné et bien informé qui a fait la majeure partie de sa carrière en Afrique centrale.
Risque d’une crise politique et sécuritaire majeure en RDC et dans le reste de la sous-région
L’ONU et l’UA se consoleront peut être en se disant qu’elles ne sont pas les seules, loin de là, à avoir fait les frais d’une annulation de dernière minute d’une visite à Kinshasa ou d’un échange en dehors du pays. Ces derniers temps, Joao Lourenço, le président angolais, Cyril Ramaphosa, le chef de l’Etat sud-africain, et Paul Kagamé, le président rwandais, ainsi que la représentante permanente des Etats-Unis auprès de l’ONU, Nikky Haley, ont tenté en vain de s’entretenir avec le président (hors mandat) RD congolais.
Restent que ces annulations successives sont un très mauvais signal adressé à la communauté internationale mais aussi à l’opinion publique RD congolaise. D’autant qu’elles interviennent à quelques mois de la tenue des élections générales en RDC (prévues le 23 décembre 2018) et, surtout, à quelques jours seulement du dépôt des candidatures au scrutin présidentiel (du 25 juillet au 8 août).
Si Joseph Kabila voulait signifier qu’il entendait s’y présentait et briguer un troisième mandat en dépit de la double interdiction qui lui en est faite par la Constitution et par l’Accord de la Saint-Sylvestre du 31 décembre 2016, sans doute ne s’y prendrait-il pas autrement. Au risque de replonger la RDC, et le reste de l’Afrique centrale, dans une crise politique et sécuritaire d’une extrême gravité…