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RDC : En campagne pour la présidentielle, Moïse Katumbi a-t-il été victime d’une tentative d’assassinat ?

Moïse Katumbi est la cible de toutes les attaques, y compris physiques, du pouvoir qui sent bien qu'il est le favori de l'élection présidentielle © DR

C’est ce qu’affirme son équipe de campagne alors que le principal opposant, considéré par beaucoup comme le favori de la présidentielle du 20 décembre prochain en République démocratique du Congo, a vu son meeting ce mardi à Muanda (Kongo Central) être violemment interrompu par des jets de pierres et des tirs à balles réelles de la part de partisans du pouvoir, appuyés par des policiers. 

Rude journée que celle de ce mardi 12 décembre pour Moïse Katumbi, considéré par beaucoup comme le grand favori de la présidentielle. En campagne dans le Kongo Central, le principal opposant a été empêché le matin de tenir son meeting à Boma. Le terrain sur lequel celui-ci était prévu a été réquisitionné à la dernière minute par le maire de la ville, obligeant M. Katumbi à s’adresser à la foule dans la rue.

Mais le pire est à venir. Quelques heures plus tard, arrivé dans l’après-midi à Muanda, l’ex-gouverneur du Katanga, homme politique très populaire en RDC, est accueilli par une vaste foule qui l’accompagne sur le lieu du meeting. Alors qu’il est en train de dérouler un discours désormais bien rôdé, des jeunes gens fondent sur la foule armés de pierres et les lancent sur l’assistance. Des policiers se mettent également à tirer. La situation est très confuse. Le public est dispersé. Aussitôt, M. Katumbi est contraint d’interrompre son meeting et de se mettre à l’abri. L’un de ses gardes du corps est touché à la tête. Il saigne abondamment. On déplore plusieurs blessés parmi le public.

Cette scène en rappelle une autre. Le 28 novembre dernier à Kindu, un mort (un responsable local d’Ensemble, le parti de M. Katumbi) avait été déploré à la suite de violences provoquées par le gouverneur UPDS (le parti de Félix Tshisekedi) du Maniema, Idrissa Mangala, qui avait tenté de perturber le meeting de Moïse Katumbi.

« Les assaillants étaient des militants du MLC de Jean-Pierre Bemba » (journaliste)

Aussitôt, les autorités locales avaient tenté de rejeter la responsabilité de ces « incidents » sur l’équipe de M. Katumbi. Ce qui a aussi été le cas ce mardi. Le gouverneur du Kongo Central Guy Bandu Ndungidi (USN, majorité présidentielle) s’est empressé de publier un communiqué évoquant de « premières informations » selon lesquelles il s’agirait d’une altercation entre une caravane motorisée et les membres de l’équipe de sécurité de M.Katumbi. Une version totalement contredite par les nombreuses vidéos prises de cette scène apocalyptique et les non moins nombreux témoins présents sur place.

« Avant que Moïse Katumbi ne prenne la parole, il n’y a eu aucun incident. Puis, on a vu des jeunes, plusieurs dizaines, peut-être une centaine, déferlé sur la foule en leur jetant des pierres. Certains étaient armés de bâtons. Des policiers ont également tiré à balles réelles », explique un journaliste local joint par téléphone, qui vit à Muanda. « Les assaillants étaient des militants du MLC (le parti de Jean-Pierre Bemba, NDLR). Ici, tout le monde se connaît. Je suis catégorique. Ils ne se sont même pas cachés puisque beaucoup d’entre eux portaient les insignes de leur parti », assure notre confrère.

« Nous avons des preuves que c’est la vie de Moïse Katumbi à laquelle on voulait attenter » (Olivier Kamitatu)

Invité sur France 24 mardi soir, le directeur de cabinet de Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu, a déclaré que « ce qui s’est passé concrètement, c’est l’illustration d’un État voyou ». Lui aussi pointe du doigt le MLC de Jean-Pierre Bemba qui a passé dix ans en prison à la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité avant d’être élargi pour vice de forme et qui est coutumier de ce genre de méthodes. De tous les alliés de Félix Tshisekedi, il est de loin celui qui a le plus à perdre d’une défaite électorale du camp présidentiel (lire notre article à ce sujet). « Moise Katumbi était ciblé, nous avons des preuves et les éléments aujourd’hui que c’est la vie de Moïse Katumbi à laquelle on voulait attenter » (voir l’interview en vidéo).

A Muanda, Moïse Katumbi a-t-il vraiment été victime d’une tentative d’assassinat ou s’est-il agi d’un énième acte, aussi violent fût-il, de sabotage de sa campagne (comme à Kindu, Likasi, Kinshasa, Boma, etc.) ? Pour ce haut-diplomate, très au fait de la campagne électorale en cours, difficile à cette heure de l’affirmer avec certitude mais l’hypothèse n’est pas à écarter. « Le président Tshisekedi et son entourage pensaient que Moïse Katumbi ne pourrait pas se présenter aux élections parce que la CENI ou la Cour constitutionnelle l’en empêcherait. Mais l’opposant avait pris soin de conserver religieusement son certificat de nationalité, ôtant ainsi tout prétexte pour l’écarter de la course. Ensuite, ils ont espéré pouvoir retarder le scrutin. Mais c’est désormais trop tard et d’autre part, en cas de report, M. Tshisekedi n’aurait pas pu se maintenir à son poste (…) A une semaine du scrutin désormais, il y a beaucoup de fébrilité au sein de la majorité présidentielle qui a bien conscience, malgré les propos triomphalistes et les dénégations officielles, que la campagne ne se passe pas du tout comme il l’avait espéré et qu’il sera très difficile de déclarer M. Tshisekedi vainqueur des élections. Ca ne paraîtra pas crédible. Dans ces conditions, certains au sein du pouvoir pourraient penser que la solution serait l’élimination physique du candidat Moïse Katumbi qui apparaît comme le grand favori du scrutin », indique l’homme, fin connaisseur de la RDC et de la sous-région

« Ces graves incidents démontrent la faiblesse de nos adversaires qui sont gagnés par la peur de perdre le pouvoir » (Moïse Katumbi)

Comme pour les incidents graves survenus à Kindu le 28 novembre dernier, la lumière sera sans doute faite, tôt ou tard, sur ceux de Muanda ce 12 décembre. Pour beaucoup, ils révèlent, si besoin en était encore, la vraie nature du régime de Félix Tshisekedi, qui n’a rien de démocratique et qui n’hésite pas à agiter le chiffon rouge du tribalisme et de la xénophobie pour faire campagne, pas plus d’ailleurs qu’à abuser dangereusement du mensonge, un travers caractéristique des régimes autoritaires.

En attendant, les tragiques événements de Muanda ont deux conséquences. Sur le réseau social X (ex-Twitter), Moïse Katumbi annonce « (s)a décision de suspendre momentanément (s)a rencontre avec les populations de Kananga et de Tshikapa (…) afin de ne pas céder à de nouvelles provocations ». « Je m’interdis d’exposer nos populations à la folie des ennemis de la liberté. Rien ni personne ne pourra jamais justifier qu’une seule goutte de sang congolais soit versée au cours de cette campagne électorale pour conserver le pouvoir », justifie-t-il soulignant que « les graves incidents qui ont émaillé la rencontre de Moanda démontrent la faiblesse de nos adversaires qui sont gagnés par la peur de perdre le pouvoir. »

Les images terribles, largement relayées hier sur les réseaux sociaux, ont aussi eu pour effet de relancer le débat sur la protection par la Monusco de certains candidats de l’opposition. Tardivement mais légitimement.