Pas moins de dix-huit pays ont signé mardi 26 octobre un communiqué commun dans lequel ils fustigent de fait l’irrégularité de la désignation de Denis Kadima à la tête de la CENI. Un point de vue qui contredit frontalement le président Félix Tshisekedi qui l’avait qualifiée de « régulière » lors d’une allocution télévisée vendredi dernier. Le chef de l’Etat RD congolais, qui s’entête à verrouiller le processus électoral, est de plus en plus isolé, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
Le diable, comme souvent, se cache dans les détails.
Ce mardi 26 octobre, pas moins de dix huit-pays parmi les partenaires les plus importants du pays (les Etats-Unis, la Belgique, la France, le Royaume-Uni, etc.), ce qui témoigne de l’importance de la démarche, ont signé un communiqué dans lequel ils relèvent de fait l’irrégularité de la désignation de Denis Kadima à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), contredisant ainsi frontalement Félix Tshisekedi qui s’était réjoui, vendredi soir dernier lors d’une allocution télévisée, du caractère « régulier » de cette désignation. Une forme sans doute de « wishful thinking ».
« S’agissant de la désignation de l’ensemble des membres de la CENI, (les partenaires de la RDC) notent, à regret, que les parties prenantes ne sont pas parvenues au consensus, qui constitue un élément important pour renforcer la confiance à l’égard du processus électoral à venir », écrivent les dix-huit pays dans leur communiqué. La précision n’est pas anodine. Car pour être régulière la désignation des membres de la CENI, et au premier chef celle de son président, doit se faire sur une base consensuelle.
Donnant donnant
Dans leur communiqué, les dix-huit pays signataires « saluent le souhait exprimé par le Président de la République concernant l’observation électorale internationale et étudient les modalités pour répondre à son invitation à accompagner le processus électoral ». La phrase est importante. Pour tenter de faire passer la pilule – amère – de la nomination de Denis Kadima auprès de la communauté internationale, Félix Tshisekedi a crû bon devoir faire cette concession.
Pour autant, certains diplomates ne sont pas dupes. « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Et le président congolais n’a jusqu’à présent pas démontré une grande capacité à tenir sa parole », cingle un diplomate belge. En effet, on voit mal Félix Tshisekedi, qui n’a que peu de chances de remporter à la régulière la prochaine présidentielle, avoir fait autant d’efforts sur la CENI pour en perdre in fine tout le bénéfice dans une observation électorale internationale.
Le pari de la communauté internationale est d’autant plus risqué que c’est au Parlement que reviendra le soin de voter la loi électorale et donc de choisir d’y inclure ou pas une observation internationale en bonne et due forme. On risque fort à ce moment-là de voir ressortir l’inusable argument de la souveraineté… Le moment venu, le président RD congolais aura beau jeu de mettre le rejet de cette disposition sur le dos de députés dont une grande partie est largement corrompue et vote en fonction de ses intérêts pécuniers.
Front uni contre Tshisekedi
En attendant, avec la nomination de Denis Kadima, Félix Tshisekedi a réussi le tour de force de se mettre à dos non seulement la grande majorité du pays – des forces politiques allant d’Ensemble de Moïse Katumbi, au FCC de Joseph Kabila, en passant par l’Ecidé de Martin Fayulu, la société civile dont les églises catholiques et protestantes, très puissantes, et les mouvements citoyens -, mais également les chancelleries qui pourtant avaient fini en janvier 2019 par adouber sa désignation en tant que président au terme d’une élection qu’il n’a en réalité pas remportée.
C’est le cas notamment des Etats-Unis. Trump parti, la nouvelle administration Biden juge avec beaucoup plus de sévérité ce nouveau président qu’elle soupçonne de vouloir confisquer le processus électoral. « A Washington, certains commencent même à regretter l’ancien président Kabila ! », commente sur un ton semi-humoristique un diplomate.
Félix Tshisekedi, qui semble avoir opté pour la fuite en avant, va probablement devoir affronter dans les prochaines semaines des manifestations importantes. Quelle sera à ce moment-là la réaction de la communauté internationale, surtout en cas de dérapages ? En tout cas, le président RD congolais est prévenu. Dans leur communiqué, les 18 pays signataires ont pris soin de rappeler leur attachement à la « stabilité » de la RDC. Un détail qui, le moment venu, pourrait avoir son importance.