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RDC : Au Katanga, les proches de Tshisekedi rivalisent d’imagination pour tenter d’écarter Katumbi de la présidentielle

Jacques Kyabula (à gauche) et Dany Banza inquiets pour la suite de leur carrière © DR

Jacques Kyabula, le gouverneur du Haut-Katanga, membre de l’Union sacrée, et Dany Banza Maloba, ambassadeur itinérant du chef de l’Etat, deux relais de Félix Tshisekedi dans la province cuprifère, tentent – eux aussi – de trouver la parade face à Moïse Katumbi, perçu par le clan présidentiel comme le principal obstacle dans la quête d’un second mandat par l’actuel chef de l’Etat. Leur dernière idée : imputer à l’ex-gouverneur du Katanga la responsabilité d’une rébellion dans la province. Une ficelle certes grosse qui, surtout, n’a rien d’original.

Jacques Kyabula et Dany Banza sont deux acteurs de second, voire de troisième plan, de la vie politique en RDC. Leur carrière, ils le savent, ne tient qu’à un fil, ou plutôt qu’à un homme : Félix Tshisekedi. Du destin politique de ce dernier, dépend le reste de leur carrière.

C’est donc avec un zèle tout particulier que ces deux Katangais, pas franchement prophètes en leur pays, ont entrepris de trouver le « graal ». Autrement dit, la solution qui permettra de lever le principal obstacle sur le chemin qui doit mener Félix Tshisekedi à un second mandat. Cet obstacle porte un nom : Moïse Katumbi.

La popularité de l’ex-gouverneur du Katanga, qui a quitté ses fonctions en 2013, est intacte dans la province. « Katumbi et Kyabula ne jouent pas dans la même catégorie. Le premier est un super poids lourd, le second un poids mouche », raille un influent député provincial.

Cette popularité ne se borne d’ailleurs pas à la province. Elle est très forte partout à l’est et à Kinshasa où vivent bon nombre de swahilophones. Mais le « chairman » comme l’appellent ses proches, jouit également, chose rare pour un homme de l’est, d’une forte estime à l’ouest du pays et au centre. Le fait que Katumbi soit le président du Tout Puissant Mazembe, l’un des clubs les plus emblématiques d’Afrique, n’y est pas étranger. Politiquement, tout ceci n’est pas sans conséquence. Comme l’affirme, au moyen d’une métaphore footballistique, un ancien président du Sénat qui maîtrise sur le bout des doigts la carte électorale du pays, « si les élections demain se jouaient à la régulière, Katumbi tuerait le match ».

Le camp présidentiel le sait. Pour remplier à son poste de président, Félix Tshiseseki, qui n’a pas été élu en 2019 mais nommé par son prédécesseur Joseph Kabila au terme d’un deal qu’il a dénoncé depuis, ne peut ni compter sur son bilan (quasi-inexistant comme il l’a reconnu lui-même dans une interview cette semaine au Soir de Bruxelles) ni sur la carte électorale (Tshisekedi, qui est Tshiluba, pèse entre 18 et 22 % des voix).

Sa seule chance de parvenir à ses fins : organiser un scrutin électoral à sa main. Or, « afin de sauver les apparences le jour J, mieux vaut avoir dégagé le terrain avant. C’est-à-dire avoir écarté plusieurs mois avant le scrutin ses rivaux les plus dangereux. Cela permet d’éviter une trop forte pression tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays », explique avec un détachement stupéfiant un ancien ministre croisé dans la capitale belge.

A la recherche de la martingale

Le stratagème a beau être éculé (il a été éprouvé ces dernières années au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, mais aussi en RDC en 2018, etc.), certains lui trouvent toujours de l’attrait. En particulier dans l’entourage de Félix Tshisekedi. Après avoir tenté de pousser en sous-main la loi Tshiani avant d’y renoncer sous la pression des Etats-Unis, les proches du président sont à la recherche de la martingale.

Kyabula et Banza, deux relais de Félix Tshisekedi dans le Katanga, pensent l’avoir trouvée. Leur idée : mettre sur le dos de Moïse Katumbi la responsabilité d’une rébellion. Rébellion qu’il aurait fomentée avec, histoire d’aggraver plus encore son cas, John Numbi ! Deux hauts gradés de l’armée dans la province ont déjà été approchés. En contrepartie d’une somme d’argent conséquente et d’une garantie d’impunité, ces deux militaires doivent attester avoir été approchés par des proches de Moïse Katumbi afin, à sa demande supposée, fomenter une rébellion à mi-année. Et pour aggraver un peu plus le cas de l’ex-gouverneur du Katanga, celui-ci est supposé avoir agi avec la complicité de… John Numbi ! Des faits qui vaudraient à M. Katumbi une condamnation et surtout le priverait de la possibilité de se présenter à une élection.

Pour le coup, Kyabula et Banza, peut-être en mal d’inspiration, ne réinventent pas la roue. En 2015 déjà, Joseph Kabila avait tenté d’attribuer à l’ex-gouverneur du Katanga la rébellion des Bakata Katanga (littéralement « couper le Katanga », sous-entendu du reste du Congo). Face à la fragilité des accusations, l’ex-chef de l’Etat y avait renoncé, préférant user d’un autre subterfuge.

Sept ans plus tard, certains veulent à nouveau tenter leurs chances…