Célestin Pande Kapopo n’a pas honoré le rendez-vous pourtant prévu par ses services avec l’ONG. Un geste d’autant plus regrettable que les armes légères pullulent dans le Haut-Katanga, alimentant une insécurité croissante.
Par Jacky Wetu, notre correspondant à Lubumbashi
Les armes légères et munitions sont toujours aussi nombreuses à circuler dans l’ex-province du Katanga. Pour tenter d’atténuer le phénomène, l’ONG CRISPAL (Cri de secours contre la prolifération des armes légères et de petit calibre en Afrique) s’est établi dans le Haut-Katanga. Elle opère désormais dans l’ex-Kivu et le Tanganyika, avec à sa tête son Directeur Exécutif, monsieur Jean-Paul Matuk.
Mercredi dernier, une délégation conduite par ce dernier devait rencontrer le gouverneur provincial afin de lui présenter les résultats de l’enquête et discuter avec lui des aspects sécuritaires en lien avec la dissémination d’armes légères en province. Mais le gouverneur a tout bonnement décidé de sécher le rendez-vous.
Pourtant, ce rendez-vous entre le gouverneur et la délégation du CRISPAL avait bien été fixé à l’agenda via les services du protocole. Pour les animateurs de l’ONG, cette rencontre était primordiale car elle devait permettre de rendre publics les fruits du travail abattu sur le terrain et de discuter d’une feuille de route commune avec le gouvernement provincial, destinée à réduire, voire stopper la vente et la circulation des armes légères dans la province.
Las, ces projets resteront pour l’heure en suspend, le gouverneur ayant poliment éconduit ses hôtes au moment où ils se se présentaient au gouvernorat vers un agent administratif.
Selon un membre de la délégation du CRISPAL interrogé sur ce rendez-vous manqué, le Gouverneur a estimé que le dossier des armes est « d’une telle sensibilité qu’il ne peut pas le traiter avec n’importe qui ». C’est ce que semble confirmer un agent de l’administration provinciale quand il déclare que « l’ONG aurait dû se faire accompagner de l’institution gouvernementale qui traite de ce sujet, à savoir la CNC- ALPC (Commission Nationale de Contrôle des armes légères et de petit calibre), qui dépend du ministère provincial de l’intérieur. Il y a donc eu en quelque sorte vice de procédure ».
Un argument spécieux. Toutes les ONG ne se font pas accompagner par les ministères ou leurs services pour rencontrer des officiels en RDC. En outre, les service du protocole du gouvernorat ont bel et bien fixé, puis confirmé le rendez-vous avec l’ONG. Et à aucun moment il ne leur a été demandé d’être accompagnés par une quelconque structure officielle.
Selon le programme défini à l’avance, le gouverneur Pande devait recevoir la délégation deux jours après son retour d’une première mission d’itinérance et d’évaluation du contexte général dans le territoire de Mitwaba. Mission que l’ONG doit réaliser dans différents endroits du territoire provincial.
Pourquoi commencer par Mitwaba ? Parce qu’il s’agit d’un des sites constitutifs du fameux triangle de la mort, fief du tristement célèbre Gédéon Mutanga, le chef de guerre Mai-Mai, aujourd’hui président du parti politique MIRA, membre du FCC, qui confesse chaque matin sur les ondes de la RTNC son soutien au dauphin du président (hors mandat), Emmanuel Ramazani Shadary. Aujourd’hui encore, à Mitwaba, les groupes armés pullulent et sévissent en toute impunité.
Une réalité que le gouverneur Pande a pratiquement touché du doigt. Se rendant à Mitwaba le 15 octobre dernier, ce dernier et sa délégation ont effectué une escale au Kyubo Lodge, un luxueux motel construit par feu Katumba Mwanke. Quelques heures seulement après leur départ, la structure a été vandalisée. Les miliciens Maï-Maï sont soupçonnés d’en être à l’origine.
S’adressant à la population de Mufunga Sampwe, de Kalera et du chef-lieu du territoire, le gouverneur Pande a indiqué que les Maï-Maï et le phénomène Mutukule – dont on ignore le sens exact – étaient à l’origine de la déstabilisation et du retard du développement du territoire de Mitwaba. Ces hors-la-loi y font en effet régner la loi des armes.
Face à la déstabilisation de la province, truffée de poches d’insécurité (suivant la dénomination officielle), en raison de la circulation des armes légères, il est dommage que le gouverneur Pande est esquivé le rendez-vous prévu avec l’ONG CRISPAL.
Car comme celle-ci le rappelle, ce phénomène prend des proportions très inquiétantes. Deux chiffres en attestent : plus de 465 types d’armes différents circulent dans le Haut-Katanga, selon la Commission nationale de contrôle des armes légères et de petit calibre (CNC-ALPC) ; en 2016, un gang avait été arrêté par le GMI (Groupe Mobile d’Intervention) Ouest, une unité de la police. Le chef de ce gang avait alors avoué qu’il achetait les armes directement auprès des FARDC dans la caserne Vangu. A 200 US dollars, la kalachnikov l’homme avait indiqué qu’il s’agissait d’une bonne affaire…