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Présidentielle en RDC : La campagne de Félix Tshisekedi vire au cauchemar

Félix Tshisekedi a accedé à la présidence de la RDC non pas après avoir remporté les élections mais grâce à un accord passé avec son prédécesseur, Joseph Kabila © DR

Malgré les moyens de l’Etat mobilisés, l’argent public déversé, les fonctionnaires réquisitionnés, les entraves et les violences à l’encontre de ses opposants (comme ce mardi à Kindu), la campagne du président sortant ne décolle pas. Lors de ses meetings, Félix Tshisekedi fait face à la colère de la population qui lui reproche son « absence de bilan » et ses « fausses promesses ». Eprouvé physiquement, il a fait savoir dimanche, à la dernière minute, qu’il participerait à la COP 28. Un prétexte, selon ses adversaires, pour lui permettre de se reposer. En attendant, son principal adversaire, Moïse Katumbi, mène une campagne tambour battant, attirant des foules considérables à chacun de ses meetings.

Arrivé au pouvoir au terme d’un accord (rompu depuis) avec son prédécesseur Joseph Kabila, Félix Tshisekedi voudrait bien prolonger son bail à la tête de la République démocratique du Congo en remportant le scrutin présidentiel prévu le 20 décembre.

Pour y parvenir, le président congolais s’en est donné les moyens. Il s’est offert à grands coups de dollars une majorité parlementaire, avant d’imposer ses juges à la Cour constitutionnelle et placer son candidat (Denis Kadima, un Kasaïen comme lui) à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Après s’être démené pour éviter un audit indépendant du fichier électoral par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), il fait aujourd’hui des pieds et des mains pour empêcher le déploiement de la mission d’observation électorale de l’UE lors des scrutins prévus le 20 décembre en RDC.

C’est ainsi que Félix Tshisekedi et son entourage pensaient pouvoir envisager en toute sérénité un second mandat qui, pensaient-il, était déjà acquis. Las, la première semaine a douché ces espoirs et fait naître le doute dans le camp présidentiel.

Lors de ses différents meetings, Félix Tshisekedi n’a pas attiré les foules escomptées. Pire, beaucoup de personnes ont profité de la venue du président pour le conspuer, le traitant de « voleur » à Muanda au sujet de la RAM ou de « bourrique » à Matadi ; ou bien encore pour lui faire passer des messages comme à Kindu sur la baisse du taux de change ou la libération de Salomon Kalonda.

« Beaucoup de personnes viennent au meeting du président par obligation, comme les fonctionnaires, ou simplement parce qu’on leur donne un peu d’argent »

« Pour un président sortant, c’est inquiétant car les gens ne sont pas au rendez-vous. Ce qui révèle une forte impopularité », constate un universitaire belge. « Quant aux propos tenus par la population, ça n’est pas surprenant. Beaucoup de personnes viennent dans les meetings du président non par adhésion mais par obligation, comme les fonctionnaires qui y sont forcés. D’autres viennent simplement parce qu’on leur donne un peu d’argent. Ce qui se passe, c’est qu’elles viennent au meeting pour avoir cet argent mais, une fois sur place, se mettent à huer le président ou lui rappeler ses échecs ou ses promesses non-tenues », explique ce professeur.

Dans le camp présidentiel, les craintes se font déjà sentir. Et elles s’expriment publiquement comme lorsqu’il y a quelques jours le député USN de Mwenga au Sud-Kivu, Charly Wenga, proche de Vital Kamerhe, a qualifié en des termes très durs le bilan du président en matière d’infrastructures routières, en particulier dans l’est du pays. « C’est un scandale », a-t-il lancé, appelant le ministre chargé du dossier à « se bouger ».

Si les inquiétudes affleurent autant, c’est parce que les pro-Tshisekedi redoutent déjà un scénario similaire à celui qui s’est produit en 2018. A l’époque, le pouvoir en place disposait d’une majorité au Parlement, d’une Cour constitutionnelle et d’une Ceni à sa botte. Mais la campagne d’Emmanuel Shadary, le dauphin désigné de Joseph Kabila, s’était alors heurtée à la fronde du terrain, contraignant le pouvoir à conclure un « accord à l’africaine » avec M. Tshisekedi.

« Le président va à Dubaï pour soi-disant assister à la COP, mais renonce à se rendre à un sommet de l’EAC consacré à la guerre dans l’est de la RDC »

Ces derniers jours, dans les rangs de la majorité présidentielle, la fébrilité est encore montée d’un cran. Apparu très éprouvé au bout de quelques jours seulement de campagne (alors qu’il reste encore trois semaines), Félix Tshisekedi a subitement décidé de se rendre à Dubaï pour assister à la COP 28. Une décision pour le moins surprenante d’autant qu’il n’a jusque-là jamais montré d’intérêt particulier pour les questions environnementales. « Le président va soi-disant dans le Golfe pour assister à une conférence non-urgente, mais renonce à se rendre à un sommet de l’EAC (le 24 novembre dernier, NDLR) pourtant consacré à la guerre à l’est de la RDC. C’est totalement incohérent », grince un député influent de la majorité.

Félix Tshisekedi, qui a longuement hésité la semaine dernière (le 23 novembre) à se rendre à Kindu, chef-lieu du Maniema, pour son meeting (avant d’y aller et d’y assurer un service minimum en y restant moins de deux heures) devrait profiter de ce « déplacement » pour se reposer. Mais aussi, selon différentes sources, pour y « effectuer des examens médicaux complets ».

Katumbi favori ?

Pour les proches du président, la pilule est d’autant plus difficile amère qu’elle assiste, médusée, au démarrage en trombe de la campagne de Moïse Katumbi, son rival le plus redouté. L’ex-gouverneur du Katanga s’est imposé, au terme de cette première semaine de campagne, comme le principal candidat de l’opposition, mais peut-être plus encore comme le favori de cette élection présidentielle. « La popularité de Moïse Katumbi est bien réelle. Il n’est qu’à voir les foules qu’il déplace lors de chacun de ses meetings. Aucun autre candidat, y compris le président, ne parvient sur ce plan à rivaliser avec lui », concède un ambassadeur en poste à Kinshasa.

Reste maintenant à savoir si les élections auront bien lieu le 20 décembre prochain.  “Au niveau de la Ceni, nous n’avons pas de preuve qu’il y aura bel et bien élection le 20 décembre. Et s’il devait y en avoir, nous n’avons pas de certitude que ça va se dérouler dans les meilleures conditions de transparence. Il y a donc un risque de désordre dans notre pays”, a prévenu dimanche dernier l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, s’adressant aux catholiques.

Aux termes de la Constitution, le président est dans l’obligation de rendre son tablier le 24 janvier prochain. Qu’il y ait élection ou pas le 20 décembre, les jours de Félix Tshisekedi à la tête de l’Etat RD Congolais pourraient être comptés.