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Non-candidature de Joseph Kabila en RDC : « la première mi-temps a été gagnée. Reste maintenant la deuxième pour remporter le match ! »

Emmanuel Ramazani Shadari a été désigné hier comme dauphin par Joseph Kabila @ DR

L’annonce hier de la non-candidature de Joseph Kabila à un troisième mandat en RDC est considérée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, comme une simple « victoire d’étape ». L’ensemble des acteurs insistent désormais sur la qualité du processus électoral qui doit, selon eux, être inclusif et crédible. Des pressions sont exercées de toutes parts en ce sens. 

Joseph Kabila avait certainement parié sur le fait qu’en ne se représentant pas à l’élection présidentielle, il aurait les coudées franches pour conduire à sa guise le processus électoral. Dans son esprit, c’était du « donnant-donnant » : se couper le doigt (quitter la présidence) pour sauver le bras (conserver son système en place).

Car, il le sait, son régime étant impopulaire, le dauphin qu’il a désigné hier – Emmanuel Ramazani Shadari – l’est au moins tout autant. Impossible dans ces conditions de l’emporter dans le cadre d’un scrutin équitable et crédible. D’où les machines à voter à la fiabilité douteuse, un fichier électoral vicié à 25 % au moins, une CENI aux ordres, une Cour constitutionnelle regarnie avec des proches, un état-major de l’armée remanié en juillet dernier, ainsi qu’une crispation politique toujours très forte qui se traduit notamment par le fait d’écarter du processus électoral Moïse Katumbi, l’opposant le plus dangereux pour le « système Kabila ».

Mais l’annonce hier par le président (hors mandat) RD congolais de sa non-candidature n’aura trompé personne. Si les partenaires extérieurs de la RDC ont dit en « prendre acte », c’est pour aussitôt rappelé que le processus électoral devait être à la fois inclusif et crédible. Comprendre, ça n’est pas à Joseph Kabila de choisir qui peut ou non y participer et les élections organisées ne devront pas être une « parodie ».

C’est ce qu’ont rappelé hier, via une vague de communiqués, à la fois les Etats-Unis, les pays de l’Union européenne ou encore la SADC ou la commission de l’Union africaine (voir sur ce point le fil Twitter d’Adrien Seyes). Washington a notamment rappelé qu’ « il rest(ait) encore beaucoup à faire » en la matière.

Offensive diplomatique pour rendre le scrutin inclusif et crédible 

Signe que la pression diplomatique ne retombe pas, le président français s’est entretenu hier matin avec son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui se rendra ce vendredi à Kinshasa pour s’entretenir avec Joseph Kabila au nom de la SADC. Sur son chemin, M. Ramaphosa s’arrêtera aujourd’hui à Lusaka pour discuter avec Edgar Lungu, le président zambien. « La SADC prend le leadership sur le dossier RD congolais mais elle agit en étroite concertation et coordination avec les instances multilatérales que sont notamment l’ONU ou l’UA », explique un diplomate occidental en poste à Pretoria qui rappelle qu’ « hier à Kinshasa, une bataille a été gagnée, mais pas encore la guerre ».

Un point de vue partagé en RDC où le triomphalisme cède largement le pas à la prudence. Hier, la Lucha, un mouvement citoyen, bien avant l’annonce de la désignation de Ramazani Shadari comme dauphin, avait prévenu que la non-candidature de Joseph Kabila ne serait qu’une « victoire d’étape ». Cette nuit, Félix Tshisekedi, le leader de l’UDPS et l’une des principales figures de l’opposition, a indiqué sur son compte Twitter, qu’il s’agissait d’ « un pas dans la bonne direction mais que le plus important rest(ait) à venir », à savoir « la décrispation et des élections libres et crédibles pour une alternance pacifique ».

Sans aucun doute, pour les Congolais la non-candidature à l’élection présidentielle de Joseph Kabila est une victoire. Car, juqu’au bout, celui-ci aura tout fait pour tenter d’en arriver là. Non seulement parce qu’il sait qu’il est impossible, une fois une telle décision prise, de revenir en arrière ; mais aussi parce qu’en dépit de toutes les précautions prises, remettre le pouvoir à un tiers, fut-il un proche, est toujours très risqué. L’histoire récente, y compris en Afrique, abonde d’exemples à ce sujet (Angola, Zambie, Madagascar…) et la RDC est loin d’être la Russie (pays où a été mis en place le fameux scénario « Poutine Medvedev »).

Hier, un proche de l’opposant Moïse Katumbi, qui avait en décembre 2015 lancée la campagne contre le « troisième faux penalties » (c’est à dire le troisième mandat) de Joseph Kabila, résumait la situation en filant la métaphore footballistique : « la première mi-temps a été gagnée. Reste maintenant la deuxième pour remporter le match ! »