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Kabila veut accélérer le cours de la justice pour écarter Katumbi de la présidentielle

Moïse Katumbi est considéré par Joseph Kabila comme son adversaire le plus dangereux.

Son ennemi numéro 1. C’est ainsi que Joseph Kabila perçoit Moïse Katumbi. Le président (hors mandat) RD congolais craint en effet qu’en cas d’élection présidentielle, même avec l’aide de ses fameuses machines à voter (rapidement rebaptisées « machines à tricher » en RDC), son dauphin ne fasse guère le poids face au très populaire dernier gouverneur de l’ex-Katanga, grand favori des sondages.

Du coup, le clan Kabila a en tête une obsession – écarter à tout prix de la course à la présidentielle ce rival considéré comme très dangereux – et un objectif – obtenir l’inéligibilité de Moïse Katumbi.

Le débat sur la double nationalité fort opportunément relancé

Pour y parvenir, tous les moyens sont bons. Ces derniers jours, on a ainsi vu refleurir le débat sur la double nationalité de Moïse Katumbi. En vertu de la Constitution RD congolaise, seuls les citoyens disposant uniquement de la nationalité congolaise peuvent se porter candidat à l’élection présidentielle (article 10). « Du réchauffé », balaye l’un des proches de Katumbi. Et pour cause, il s’agit d’une vieille ficelle que les partisans de Joseph Kabila tente d’actionner depuis quelques années désormais. Pour mémoire, le 19 juin 2017 à Genève, lors d’une conférence de presse en marge d’une réunion du Comité des droits de l’Hommes de l’ONU à laquelle il participait, Alexis Thambwe Mwamba avait déclaré : « [Moïse Katumbi] peut rentrer au pays quand il le veut […] Son problème n’est pas avec le Pouvoir congolais. Ce qui pourrait l’empêcher de se présenter à la présidentielle ce n’est pas le gouvernement […] C’est la constitution », faisant ainsi clairement allusion à l’article 10. Rien de neuf donc, si ce n’est la poursuite d’une vieille stratégie qui n’a jamais porté ses fruits.

Mais si le sujet permet aux partisans de Joseph Kabila de pavoiser sur les réseaux sociaux, les stratèges de la MP sont toutefois conscients que « le dossier est un peu léger », selon les termes de l’un d’entre eux, pour mettre sur la touche l’ex-gouverneur du Katanga.

Surtout, comme nous le confirme en off un responsable de la majorité, ce débat crée un malaise au sein même de « l’Etat Kabila », qui compte dans ses rangs quantité de responsables ayant la double nationalité. « Si vous prenez les hauts gradés des services de sécurité, dans l’armée, la police ou au sein de la DGM ; si vous regardez le personnel politique comme les ministres, les parlementaires, etc. ; ou encore les hauts fonctionnaires de l’administration tels que les ambassadeurs, vous verrez qu’ils sont nombreux à être à la fois congolais et d’une autre nationalité », nous confie notre interlocuteur qui finit par avouer être lui-même titulaire de deux passeports. « C’est pourquoi, même au sein de notre famille, beaucoup de gens ne veulent pas de ce débat de peur d’être à leur tour mis en difficulté. D’ailleurs, le président Kabila a lui-même longtemps été attaqué à ce sujet. Nous n’avons sans doute pas intérêt à ouvrir la boîte de Pandore », explique-t-il.

L’instrumentalisation de la Justice, l’option la plus sûre

C’est la raison pour laquelle Joseph Kabila et ses proches comptent davantage sur une autre piste (elle aussi quelque peu réchauffée, mais perçue comme plus sûre) pour tenter d’écarter Moïse Katumbi  de la course à la présidentielle : obtenir une condamnation rapide, ferme et définitive de ce dernier par la Justice, de sorte que sa peine soit assortie en autre d’une mesure d’inéligibilité.

Ici aussi, les proches de Joseph Kabila n’en sont pas à leur coup d’essai après le dossier des mercenaires (qui s’est totalement dégonflé) et le dossier « rocambolesque » de l’escroquerie immobilière (dite affaire Stoupis) qui est en appel. Or l’appel, justement, est suspensif. En attendant, donc, Moïse Katumbi peut jouir de l’ensemble de ses droits civiques et politiques et peut donc, à ce titre, se présenter à une élection. Autre problème : le temps judiciaire est beaucoup plus long que le temps politique. Gênant donc pour Joseph Kabila et son clan.

Du coup, le ministre de la Justice RD congolais, Alexis Thambwe Mwamba, s’emploie avec frénésie à en accélérer le rythme. Depuis la semaine dernière et jusqu’il y a encore quelques heures, ce dernier a convoqué tour à tour à Kinshasa le Président de la Cour d’appel de Lubumbashi, le Procureur près cette même juridiction, le Procureur général de la République à Kinshasa, le Premier président de la Cour Suprême, ainsi que certains juges de la Cour constitutionnelle (plusieurs exceptions en inconstitutionnalité ayant été soulevées en première instance devant la juridiction lushoise dans le cadre de l’affaire Stoupis). Tout ce beau monde a été prié d’accélérer le pas afin d’obtenir une condamnation à la fois – les mots sont importants – rapide, ferme et définitive. Des demandes pressantes de Kinshasa ont été ainsi transmises aux magistrats de Lubumbashi afin de réactiver « dans les tous prochains jours » le dossier mercenaire et/ou voir comment la procédure dans le cadre du dossier d’escroquerie immobilière peut être accélérée (avec une préférence marquée pour la première affaire…).

Pour Joseph Kabila et ses proches, peu assurés de l’emporter par la voie des élections, fussent-elles truquées, l’instrumentalisation de la Justice à des fins politiques reste le plus sûr moyen de neutraliser celui qui cristallise toutes leurs angoisses. Mais il y a urgence : la CENI étant tenue d’enregistrer de manière définitive les demandes de candidature à l’élection présidentielle au plus tard en juin 2018, une condamnation judiciaire doit donc impérativement être intervenue d’ici-là. D’où l’activisme des hiérarques du régime Kabila. Pour eux, le temps presse désormais…