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Financement des élections en RDC : Kadima et Lukonde font mine de se renvoyer la balle, Tshisekedi sourit

Denis Kadima (à gauche) et Sama Lukonde (à droite) sont deux hommes-liges de Félix Tshisekedi (au centre) © DR

Lundi, le président de la Commission électorale nationale indépendante, Denis Kadima, a publiquement critiqué le gouvernement de Sama Lukonde qui, a-t-il assuré, n’a pas encore déboursé « le moindre centime » pour financer le commencement des opérations pré-électorales. Peu après, le premier ministre, Sama Lukonde, a répliqué en demandant à la CENI de lui fournir un « budget réaliste ». Franche explication ou jeu de rôle ? Voici la réponse.  

« Si les élections ne se tiennent pas dans le délai constitutionnel, le gouvernement sera l’un des responsables majeurs de ce retard » parce que « la CENI n’a encore reçu ne serait-ce qu’un seul centime pour lancer les opérations pré-électorales », a cinglé lundi au micro de la radio Top Congo FM le président de la CENI, Denis Kadima.

« C’est notre quatrième cycle électoral. La CENI devrait nous emmener vers un budget qui soit le plus réaliste possible, du fait de notre passé. Les dernières élections ont été organisées avec près d’un milliard USD. Pour 2022, le budget proposé est de 640 millions USD. Ça c’est 2022. On n’a pas encore atteint 2023 », lui a rétorqué le jour même, lors d’un déjeuner de presse, le premier ministre Sama Lukonde.

Un échange en apparence aigre-doux qui a alimenté la chronique médiatique et fait le buzz sur les réseaux sociaux. Mais qui relève moins de la franche explication que d’un jeu de rôle où chacun joue une partition préparée à l’avance. Car la scène, qui n’a rien d’improvisée, se joue « en famille ». Denis Kadima est un proche du président Tshisekedi. Sama Lukonde est, lui, à la botte de ce dernier.

Organiser à bonne date de mauvaises élections

Il s’agit donc d’un subterfuge de communication. Ces prises de paroles successives servent à diriger l’attention de l’opinion publique et, surtout, de la communauté internationale sur la date de l’élection, présentée comme l’enjeu numéro un (problématique du « glissement »), reléguant ainsi au second plan un point plus essentiel encore : la qualité de l’élection elle-même (comprendre son degré de régularité prévisible).

Qu’on se rassure, Félix Tshisekedi compte bien, in fine, organiser dans les délais l’élection présidentielle, ne serait-ce que pour tempérer la colère de la rue et l’ire de la communauté internationale, particulièrement tatillonne sur ce point. Mais il entend tout autant faire en sorte que celle-ci ne soit pas aussi parfaite qu’elle aurait pu l’être avec un peu de bonne volonté. En faisant un effort sur le premier point (le respect des délais constitutionnels), il espère une forme de clémence le moment venu sur le second (l’acceptation des résultats d’un scrutin controversé).

Une sorte de donnant-donnant en somme et une manière de jouer son va-tout. « Il s’agit pour le président de se couper le petit doigt pour sauver le bras », résume, sourire en coin, un ambassadeur en poste à Kinshasa. Organiser à bonne date de mauvaises élections est en effet le seul moyen pour Félix Tshisekedi d’espérer rempiler après 2023.