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Face à la dégradation du climat électoral en RDC, l’Eglise catholique repart à l’offensive

Monseigneur Fridolin Ambongo (au centre) et l'Abbé Nshole (à gauche) ont rencontré hier le chef de l'Etat zambien et président de la troïka de la SADC, Edgar Lungu (à droite) © Edgar Chagwa Lungu – Facebook

Une délégation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a rencontré lundi 10 septembre 2018 à Lusaka le chef de l’Etat zambien et président de la troïka de la SADC, Edgar Lungu. Les évêques catholiques ont, à cette occasion, exprimé leurs vives inquiétudes face à la non-inclusivité du processus électoral, le maintien de la machine à voter et le non-nettoyage du fichier des électeurs. Ceux-ci pourraient très prochainement annoncer la reprise de leurs marches pacifiques un peu partout dans le pays. 

Hier, Monseigneur Fridolin Ambongo, archevêque coadjuteur de Kinshasa et vice-président de la CENCO, et l’Abbé Nshole, le secrétaire général de cette même Conférence épiscopale, ont rencontré le chef de l’Etat zambien et président de la troïka de la SADC sur la politique, la sécurité et la défense, Edgar Lugu.

Les évêques ont exprimé leurs très vives préoccupations face à la dégradation continue du climat politique en RDC en raison d’un processus électoral bien mal emmanché. Au point que ceux-ci doutent désormais de la tenue des élections le 23 décembre prochain, comme prévu dans le calendrier de la CENI.

« Depuis l’annonce de la non-candidature du président Kabila, il y a beaucoup de gestes que le pouvoir est en train de poser qui nous inquiètent profondément et qui nous font même craindre l’absence d’élections à la date convenue », a dit Monseigneur Fridolin Ambongo au président Lungu.

Certes, la CENCO a reconnu quelques avancées au sujet du processus électoral en cours en RDC, à l’instar de non-candidature à un troisième mandat du président Kabila. Mais du point de vue de cette institution, les éléments d’inquiétude, qui prédominent, lui font craindre soit des élections chaotiques qui ouvriront la boîte de Pandore, soit même la non-organisation du scrutin.

Parmi les points noirs relevés par la CENCO figurent l’absence de décrispation politique qui a pour conséquence un processus non-inclusif (le régime de Joseph Kabila a écarté ses deux opposants les plus dangereux, Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, pour ne laisser subsister que les candidatures de seconds couteaux), l’insistance du pouvoir actuel à vouloir utiliser la machine à voter (que beaucoup soupçonnent d’être l’instrument d’une fraude massive) ou encore un fichier électoral vicié à près de 25 % selon l’OIF qui l’a audité.

Sur la base de ce constat, la CENCO demande à la SADC de « peser de tout son poids pour convaincre le gouvernement congolais de parachever la mise en oeuvre des mesures de décrispation politique selon l’accord de la Saint-Sylvestre » afin de parvenir « à la tenue d’élections inclusives et apaisées », de « trouver un consensus sur la machine à voter ou de recourir, à défaut, aux bulletins papiers » ou encore de « clarifier le cas des personnes enregistrées dans le fichier électoral sans empreintes digitales » (16,6 % du fichier au total).

« Le point de vue de la CENCO sur le processus électoral en cours est déterminant pour nous car cette institution très respectée au-delà des frontières de la RDC est l’une des mieux informées de ce pays en raison de son maillage territorial qui lui permet de couvrir l’ensemble du territoire et d’être en contact permanent avec la population du pays. Et, mais cela va sans dire, nous avons toute confiance en son jugement », confie un diplomate zambien présent lors de la réunion avec la CENCO.

Maintenir la pression à l’extérieur comme à l’intérieur du pays

La SADC, l’organisation sous-régionale du sud de l’Afrique, est très impliquée dans le suivi du processus électoral en RDC. Et certains chefs d’Etat, à l’instar des présidents angolais et rwandais, Joao Lourenço et Paul Kagamé, mais aussi du sud-africain, Cyril Ramaphosa, sont particulièrement inquiets face aux troubles qui ne manqueraient pas d’éclater en cas d’élections faussées, voire d’absence d’élections, dans le plus grand pays d’Afrique francophone.

Mais l’Eglise catholique n’entend pas se contenter de faire un travail de lobbying à l’extérieur. Elle pourrait dans les prochaines semaines relancer ses marches pacifiques. Des marches qui, à l’approche de la date théoriquement prévue pour la tenue des élections (le 23 décembre prochain), sont perçues par le régime de Joseph Kabila, qui cherche par tout moyen à conserver son pouvoir, comme une réelle menace.