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En RDC, l’invalidation de l’élection de 82 députés par la CENI révèle implicitement l’ampleur de la fraude à la présidentielle

Implicitement, Denis Kadina, président de la CENI, reconnait l'ampleur de la fraude lors de la présidentielle de décembre 2023 en RDC © DR

En invalidant l’élection de 82 députés nationaux et provinciaux, un règlement de comptes au sein de la majorité, la Commission électorale nationale indépendante reconnait implicitement l’ampleur de la fraude lors de l’élection présidentielle de décembre 2023 en République démocratique du Congo. Impossible en effet de frauder aux législatives sans l’avoir fait au préalable à la présidentielle.

Dans un communiqué publié ce vendredi 5 janvier, la CENI a invalidé l’élection de 82 députés nationaux et provinciaux lors des élections de décembre 2023 pour fraude, corruption, vandalisme, incitation à la violence ou détention illégale de machines à voter.

A deux seules exceptions près, tous appartiennent à la majorité présidentielle (soit 97,6 % des invalidations). Parmi eux, figurent Gentiny Ngobila, Kin-Kiey Mulumba, Colette Tshombe, Evariste Boshab, Victorine Lwese, Sam Bokolombe , Monalux Monatshabu, Antoinette Kipulu, Mabaya Gizi, Didier Mazenga, Sam Bokolombe, Nana Manuanina, Jeannot Binanu, Charles Mbuta Muntu, Gaby Manbengi, Yannick Ngandu, Marie Nelly Nsasa, Nsingi Pululu, Justin Kalumba, Elesse Toussaint, Pancras Boongo, Willy Bakonga ou encore César Limbaya.

Et encore, ne s’agit-il sans doute que de la surface émergée de l’iceberg. Aucun cas de fraude par exemple n’a été reconnu dans le Kasaï-Oriental, la province d’origine de Félix Tshisekedi et de Denis Kadima. « Ce sont les cas de fraude connus ou reconnus par la CENI. Car il y a une grande partie dont elle n’a pas connaissance ou bien, plus probablement, dont elle ne veut pas rendre compte », explique un ancien responsable de la CENI au début des années 2010 qui a suivi avec attention le dernier scrutin.

L’invalidation de ces 82 députés s’apparente selon lui davantage à « un règlement de comptes politiques interne au sein de la majorité. » Concrètement, « on se sert de ces invalidations pour écarter certains, ceux qui sont dans la bonne écurie politique, et faire passer d’autres qui ont un parrain politique plus puissant ».

Les mêmes voix, reconnues frauduleuses aux législatives, considérées comme valables à la présidentielle

Pour partielles qu’elles soient, ces invalidations suffisent toutefois à mesurer l’ampleur de la fraude. Et pas qu’aux législatives. « Ces 82 invalidations représentent 20 % des élus aux législatives nationales (le Rutshuru, Masisi, le Bandundu, etc., n’ayant pas voté, NDLR). Or, il était impossible de frauder aux législatives sans avoir fraudé au préalable à la présidentielle car pour voter aux législatives, il faut impérativement juste avant voter à la présidentielle », explique l’expert, rappelant qu’il s’agit d’un vote combiné.

Et de poursuivre : « la quasi-totalité des députés invalidés appartiennent à la majorité présidentielle. Ce qui signifie que, préalablement, sur ces mêmes bulletins considérés comme frauduleux par la CENI elle-même, il y a eu vote en faveur du candidat numéro 20 à la présidentielle. »  

Le candidat numéro 20, c’est Félix Tshisekedi, déclaré élu avec 73,34 % des voix par la CENI le 31 décembre dernier. D’où cette question : les bulletins reconnus comme frauduleux et qui ont été invalidés pour les législatives le seront-ils aussi pour la présidentielle ? Ce serait logique car il s’agit, ni plus ni moins, des mêmes bulletins.

La CENI sacrifie quelques députés de la majorité pour tenter d’accréditer dans l’opinion le score soviétique de Félix Tshisekedi à la présidentielle

Ceux-ci représentent peu ou prou 10 % des suffrages exprimés lors de la présidentielle (1,8 millions de voix). Si on ajoute à cela, les observations (même prudentes) de la MOE CENCO-ECC) qui jettent le trouble sur a minima 12 des 18 millions de voix réputées valides, on se rend compte de l’ampleur de la fraude lors de ce que d’aucuns ont qualifié de « farce électorale » marquée par une opacité totale et d’innombrables irrégularités.

A travers l’invalidation de 82 députés, tous quasiment de la majorité, la CENI tente de redorer son blason en feignant de « faire le travail en toute impartialité ». Il ne s’agit en réalité que d’un exercice de communication qui ne dupe personne. La CENI ne sera pas crédible tant qu’elle donnera l’impression qu’elle pratique un deux poids deux mesures entre les élections législatives et la présidentielle. En clair, que l’invalidation de députés de la majorité ne sert qu’à essayer d’accréditer dans l’opinion l’élection soviétique de Félix Tshisekedi à laquelle personne ne croit.