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En RDC, la Majorité présidentielle rétropédale sur le dédoublement des partis politiques

Pierre Lumbi, président du MSR, a été désigné le 3 mars 2018 en Afrique du Sud vice-président d'Ensemble, la plateforme politique nouvellement créée pour soutenir la candidature de Moïse Katumbi à l'élection présidentielle prévue le 23 décembre prochain en RDC. © DR – Twitter

En République Démocratique du Congo, la Majorité présidentielle est revenue sur le dédoublement des partis politiques. Une pratique qu’elle avait mise en place il y a près de deux ans, consistant pour les partis politiques, en particulier ceux voulant quitter la majorité dans le but de rejoindre l’opposition, à être littéralement dédoublé. Autrement dit, une autre formation en tout point identique était montée de tout pièce, celle-ci revendiquant l’ensemble des attributs du parti dont elle est une copie (même nom, même logo, mêmes adhérents, etc.), d’aucuns diront un ersatz.

C’est par exemple ce qui est arrivé à l’UNAFEC, le parti de Gabriel Kyungu Wa Kumwanza. Celui-ci ayant signifié sa volonté de quitter la MP, un responsable de son parti a été soudoyé afin d’en revendiquer le leadership pour dire que, non, l’UNAFEC est toujours membre de la majorité et que ceux qui veulent l’en sortir sont des usurpateurs qui n’ont aucune qualité juridique pour y procéder.

Rétropédalage sur une mesure très contestée

Cette mesure de dédoublement était à la fois destinée à conforter la majorité et à affaiblir l’opposition. Mais le régime de Kinshasa a été contraint d’y renoncer. Car la CENI doit au plus tard le 26 mars prochain publier la liste des partis inscrits pour participer aux élections, prévues le 23 décembre 2018. « Cela devenait proprement ingérable », confie une source au sein de la CENI. « Les autorités ont dès lors compris qu’il était plus sage d’y renoncer », nous dit-il.

En contrepartie du renoncement à cette pratique de dédoublement, les autorités ont accepté le fait que les responsables des partis nouvellement créés via cette pratique puissent finalement créer d’autres partis et que ceux-ci soient autorisés à s’enregistrer pour participer aux prochaines élections, en dérogation à la loi électorale. Celle-ci dispose en effet que les partis politiques, pour pouvoir participer aux élections, doivent entre autres avoir été créés depuis au moins un an. C’est donc une dérogation qui leur a été accordée à la demande expresse du CNSA.

Fin des ersatz de partis politiques en RDC ?

Ce rétropédalage de la majorité présidentielle sur cette mesure très controversée a été quasi-unanimement saluer, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays, tant du côté de la majorité que de l’opposition. « Cela va dans le bon sens », déclare un professeur en sciences politiques de l’UniKin.

Tweet de Tryphon Kin-Kiey Mulumba le 20 mars 2018. Source : compte Twitter @kkmtry.

Mais celui-ci ajoute aussitôt qu’ « il reste encore du chemin à parcourir pour que la décrispation politique soit effective, conformément à l’accord de la Saint-Sylvestre. La fin du dédoublement des partis politiques y contribue incontestablement mais il faut aller plus loin en garantissant les libertés politiques qui sont aujourd’hui bafouées, comme la liberté de manifester, de tenir des meetings, de se déplacer, etc. Surtout, les mesures de libération des prisonniers politiques et le retour des exilés politiques, prévues dans l’accord du 31 décembre 2016, doivent être appliquées », tonne ce professeur en sciences politiques.

En outre, tout le monde ne semble pas encore concerné par la suspension de cette pratique de dédoublement des partis politiques. Reste notamment le cas épineux du MSR de Pierre Lumbi, ex-conseiller à la sécurité de Joseph Kabila, désormais président du Conseil des sages du Rassemblement de l’opposition et soutien fervent de Moïse Katumbi, l’opposant le plus craint par Joseph Kabila. M. Lumbi a d’ailleurs été nommé il y a quelques jours vice-président d’Ensemble, la plateforme politique nouvellement créée qui soutient la candidature de l’ex-gouverneur du Katanga à l’élection présidentielle. Le MSR était le second plus grand parti au sein de la MP, après le PPRD, en termes d’élus. Il dispose d’un ancrage véritablement national car il dispose de députés sur l’ensemble du territoire. Et ça, la Majorité présidentielle en RDC ne semble pas encore prête à y renoncer…