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Elections en RDC : la Monusco inquiète face à la « succession d’incidents graves » visant la campagne de l’opposant Martin Fayulu

La cheffe de la Monusco, Leila Zerrougui, dénonce les nombreuses entraves et violences dont est victime l'opposant Martin Fayulu dans le cadre de sa campagne électorale © ONUinfo – Twitter

Inquiet face à l’affluence populaire lors de ses meetings, le régime de Joseph Kabila a entrepris de saborder la campagne électorale du candidat de la coalition de l’opposition Lamuka. Objectif : éviter toute image de bain de foule à son profit qui rendrait plus difficile la justification de la victoire du candidat du pouvoir obtenue au prix d’une probable vaste fraude. La cheffe de la Monusco est sortie aujourd’hui de son silence pour dénoncer cette situation. 

« Si même la Monusco le dit, c’est que ça doit être grave », confie mi-inquiet mi-amusé un diplomate chevronné en poste à Kinshasa.

Depuis plusieurs jours, la campagne de Martin Fayulu fait l’objet d’un sabordage systématique de la part du pouvoir. Aujourd’hui à Kalelme dans le Tanganyika, les militants de l’opposant qui s’étaient amassés en nombre sur le boulevard Kisebwe ont été violemment dispersés par les militaires. Hier, de nombreux incidents ont eu lieu à Lubumbashi faisant deux morts et des dizaines de blessées parmi les partisans de M. Fayulu selon l’ACAJ. L’opposant a d’ailleurs été empêché de tenir le meeting prévu à la Cité des jeunes dans la commune Kampemba. Dimanche dernier, Martin Fayulu n’a même pas eu cette chanse. Son avion n’a pas reçu l’autorisation de se poser à Kindu la capitale du Maniema, la province d’origine du candidat du pouvoir et dauphin de Joseph Kabila.

L’objectif de ces manœuvres est clair : éviter toute image de bain de foule de Martin Fayulu afin de pouvoir plus facilement le moment venu justifier l’écart entre la mobilisation populaire au bénéfice de l’opposant lors de la campagne électorale et le résultat officiel sorti des urnes qui, comme chacun le suppute, devrait être favorable au candidat du pouvoir. Il ne faut pas chercher plus loin la raison pour laquelle le régime de Joseph Kabila s’emploie désormais à saborder chacun des déplacements du candidat de la coalition Lamuka.

« Lorsque nous appelons Mme Leila Zerrougui […] elle ne décroche pas son téléphone »

Aujourd’hui, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations-Unies en République démocratique du Congo (RDC) et cheffe de la Monusco, pourtant réputée très timorée, s’en est publiquement émue. La situation ayant atteint un tel niveau de gravité, il lui était en effet difficile de faire autrement. Il faut dire qu’hier, la cheffe de la Monusco avait été publiquement interpellée depuis Lubumbashi dans des termes très vifs par Eve Bazaiba, l’une des responsables de l’équipe de campagne de Martin Fayulu et bras droit de Jean-Pierre Bemba. « Lorsque nous appelons Mme Leila Zerrougui […] elle ne décroche pas son téléphone », a dénoncé celle qui est aussi la secrétaire générale du MLC.

Dans un communiqué adressé aujourd’hui au média, elle dénonce « le fait que certains candidats de l’opposition rencontrent de nombreux obstacles pour tenir des réunions publiques dans certaines villes du pays, comme cela a été constaté ces derniers jours à Kindu et à Lubumbashi et, aujourd’hui, à Kalemie ». Une référence implicite à Martin Fayulu qui est de tous les candidats le seul, en réalité, à être victime de telles persécutions de la part du pouvoir.

Pour l’anecdote, Leila Zerrougui a dû s’y reprendre à deux fois en l’espace d’un court laps de temps. En effet, le communiqué de la Monusco a été envoyé quelques heures seulement après la diffusion d’une interview maladroite dans laquelle Mme Zerougui a semblé renvoyer dos à dos le pouvoir et l’opposition face à la multiplication des violences ayant émaillé ces derniers jours de campagne électorale.

La Monusco, la plus grande mission de maintien de la paix dans le monde, est, singulièrement sous l’empire de ses deux derniers chefs, Maman Sidiku et de Leila Zerougui, régulièrement accusée au mieux d’inefficacité, au pire de passivité, voire de complaisance à l’égard du régime de Kinshasa.