En RDC, alors que l’attention se focalise sur les résultats provisoires de l’élection présidentielle proclamés cette nuit par la CENI, le véritable enjeu porte sur le contrôle de l’assemblée nationale. C’est là que se trouvent les principaux leviers du pouvoir dans le système institutionnel congolais. Aujourd’hui, beaucoup supputent qu’au terme de l’arrangement particulier entre Félix Tshisekedi, déclaré vainqueur de la présidentielle par la CENI, et Joseph Kabila, le parlement continuera d’être contrôlé par la majorité actuelle.
En cette période d’agitation consécutive à l’annonce cette nuit par la CENI des résultats provisoires de l’élection présidentielle, largement considérés comme non conformes à la vérité des urnes, il n’est pas inutile de relire la Constitution RD congolaise. En particulier le chapitre qui fait le départ entre les pouvoirs, au sein de l’Exécutif, entre le président de la République et le premier ministre.
C’est ce que nous a d’ailleurs conseillé de faire il y a quelques jours déjà une source haut-placée au sein de la majorité. « En réalité, en RDC, le président n’a aucun pouvoir à partir du moment où il ne contrôle pas le parlement. C’est la majorité parlementaire et le premier ministre qui en est issu qui comptent dans le système congolais. Or, cette majorité ne changera pas de main. C’est pourquoi, même si Félix [Thsisekedi] est proclamé président, à partir du moment où il n’aura pas la majorité parlementaire, que tous les gouverneurs de province ne sont pas de son bord, et qu’il ne contrôle pas l’armée, comme c’est le cas du président actuel, il n’a aucun pouvoir. Il ne peut même pas nommer un haut-fonctionnaire car les décrets doivent être contre-signés par le premier ministre. Il est juste bon à inaugurer les chrysanthèmes. Souvenez-vous des difficultés de Joseph Kasavubu président face au premier ministre, le très remuant Patrice Lumumba. Et bien là, ce serait pareil », nous a expliqué celui qui a exercé il y a encore deux ans de très hautes fonctions institutionnelles.
Clairement en RDC, c’est ce scénario qui se dégage : en échange d’avoir concédé la présidence à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila et son camp conserveraient la majorité au sein du parlement. C’est d’ailleurs ce qu’a indiqué ce matin le secrétaire national du PPRD, Chawlé Munkutu Adam. Après avoir confirmé que le FCC ne contesterait pas les résultats de la présidentielle (« nous allons nous y soumettre », a-t-il dit sur RFI), ce haut responsable du parti au pouvoir a clairement reconnu que son camp misait plutôt sur les résultats des élections législatives. « Nous espérons avoir l’assemblée nationale », a-t-il annoncé-t-il « avec un ton serein », fait observer RFI.
De ce scénario, l’opposition n’est pas dupe. « Il est clair que, demain, on assistera, suite à l’arrangement entre Cach et le FCC, à une marée de députés PPRD et à un premier ministre PPRD. L’alternance à laquelle tous les Congolais ont pu croire pendant quelques instants [] ne poursuit en réalité qu’un seul but : pérenniser le régime de Joseph Kabila à la tête du Congo », a déclaré Olivier Kamitatu sur l’antenne de RFI. « L’annonce hier des résultats provisoires de l’élection présidentielle ne sont qu’un écran de fumée destiné à masquer l’essentiel : le fait que Kabila n’est pas prêt à lâcher les rênes du pays », pronostique quant à lui un haut cadre du MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba.
Finalement, le scénario Poutine-Medvedev, prophétisé de longue date par certains observateurs, est peut-être en passe de se réaliser… avec l’aide de celui dont le père fut pourtant l’adversaire le plus acharné du régime des Kabila père et fils.