« Allez-y comprendre », s’amuse un proche de Darryl Lewis. Cet agent de sécurité de nationalité américaine avait été arrêté le 24 avril 2016 en RDC avant d’être incarcéré pendant plusieurs jours et, de son aveu même, « torturé » par les services de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Kinshasa lui reprochait en effet d’être un mercenaire à la solde de l’opposant Moïse Katumbi. Des allégations totalement démenties par l’intéressé. Il aura fallu l’intervention très ferme des autorités américaines pour qu’il soit libéré et rapatrié aux Etats-Unis.
Selon la CENCO et les organisations de défense des droits de l’Homme, il ne s’agit en réalité que d’une « mascarade », une manipulation politique visant à empêcher le dernier gouverneur de l’ex-Katanga de se présenter à l’élection présidentielle. Selon les défenseurs de Moïse Katumbi, « le dossier est totalement vide sur le fond ». Sans compter les innombrables vices de forme et de procédure. Mais ça n’est sans doute pas un souci pour Kinshasa, la justice étant tout sauf indépendante en RDC.
Nouveau rebondissement le 30 mars dernier, Darryl Lewis reçoit, un « mandat de prévenu » (convocation à comparaître) de la part de la Justice RD congolaise pour venir témoigner dans le cadre du procès qui débute ce mercredi 27 juin devant la Cour Suprême. Mais l’intéressé ne pourra s’y rendre. S’il a bien déposé sa demande de visa en bonne et due forme avec l’ensemble des documents requis pour se rendre en RDC, l’ambassade congolaise aux Etats-Unis a refusé de lui délivrer le précieux sésame sans qu’aucun motif n’ait été avancé comme l’atteste une vidéo circulant sur les réseaux sociaux.
« Ce refus de visa démontre une nouvelle fois l’instrumentalisation de la justice. En effet, Darryl Lewis, en tant qu’acteur clé, aurait du témoigner de son réel rôle auprès de Moïse Katumbi et démontrer la vaste supercherie de ce procès », a déclaré Olivier Kamitatu, directeur de cabinet et porte-parole de M. Katumbi.
« Kinshasa aurait-elle pariée sur le refus de Darryl Lewis de retourner en RDC pour venir témoigner afin d’apporter de l’eau au moulin de sa propagande ? », s’interroge un opposant, sourire au lèvre. Probablement. Malheureusement pour elle, M. Lewis ne s’est pas démonté et a réservé un billet aller-retour Washington-Kinshasa via une escale à Paris, du 25 au 29 juin (voir photo).
Une attitude paradoxale en apparence mais somme toute logique de la part de Kinshasa. « Les autorités RD congolaises n’entendant ni respecter les droits de la défense ni faire place au principe du contradictoire dans un procès qui, selon tous les observateurs, est d’une nature strictement politique », déplore un avocat, grand défenseur des droits de l’Homme en RDC.
Pour preuve, il y a quelques semaines, l’ex-ministre de l’Intérieur et secrétaire permanent du parti présidentiel, le PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary, avait créé la polémique en déclarant publiquement que Moïse Katumbi serait condamné par la justice pour usurpation de nationalité congolaise. Il ne faisait cependant que dire tout haut ce à quoi tout le monde s’attend désormais.