Dix jours après le déclenchement de ce drame, le gouvernement RD congolais, après avoir observé un silence pesant, a fini par réagir mais en ordre totalement dispersé.
Par Jacky Wetu, notre correspondant à Lubumbashi
S’il fallait une preuve du manque de coordination au sein du gouvernement, le drame des Congolais expulsés d’Angola en offre une flagrante. Après avoir observé un lourd silence durant plusieurs jours, on assiste désormais à un florilège de prises de parole de la part des différents ministres, chacun y allant de sa réaction. Conséquence, le message du gouvernement est complètement brouillé et, par conséquent, inaudible.
A Lubumbashi, Agée Matembo fait entendre sa voix, le Consul d’Angola fait ses adieux au Gouverneur de province
Au cours d’une conférence de presse le 13 octobre dernier, le tonitruant vice-ministre des Affaires étrangères a livré, il faut le dire, une prestation ratée. Très agité, feignant l’indignation, Agée Matembo a lancé un ultimatum à l’ensemble des groupes armés en provenance de neuf pays voisins de la RDC. « Nous leur donnons deux mois pour quitter le sol de notre pays avant que nous n’organisions notre riposte à la mesure de l’affront et de l’humiliation infligés à nos compatriotes », a- t-il martelé.
Problème : les Congolais expulsés d’Angola ne l’ont pas été par l’un ou l’autre des groupes armés indexés par le ministre. Ce sont bel et bien les forces de la police et de l’armée du gouvernement de la République angolaise qui ont procédé à ces expulsions. En outre, l’ultimatum lancé par le vice-ministre des Affaires étrangères prendrait fin quelques jours seulement avant la date des élections. Curieux timing tout de même…
Trois jours après ce point-presse, le mardi 16 octobre, le consul d’Angola faisait, après quatre années de service à Lubumbashi, ses adieux au gouverneur provincial Mpande Kapopo. Au sortir de l’audience au gouvernorat, le consul angolais Kishitu n’a pas dit un mot sur la question des expulsés Congolais d’Angola. Au contraire, il s’est félicité de ses bons rapports avec le gouvernement provincial.
A Kinshasa, trois autres sons de cloches et toujours plus de divergences
il y a eu d’abord un communiqué de presse du vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, Henri Mova dans lequel ce dernier a déclaré, en contradiction avec les propos d’Agée Matembo, que les Congolais expulsés d’Angola (près de 200 000 personnes tout de même) se sont faits rapatriés volontairement. Il n’en fallait pas moins pour créer la polémique.
Ensuite, ce fut au tour d’Emile Ilunga, le ministre des Congolais de l’étranger. Lors de l’émission « Dialogue entre congolais » diffusée le mardi 16 octobre, celui-ci fait tout d’abord observer que le vice-ministre des Affaires étrangères a évoqué dans son propos des groupes armés qui ne sont pas concernés par l’accord de Nairobi et qu’il s’agit donc de sa part d’une erreur.
Ensuite, s’agissant des Congolais expulsés d’Angola, Ilunga conseille, à rebours des propos va-t’en-guerre d’Agée Matembo, la prudence dans la gestion de ce dossier. « Si on y va du tac au tac, on peut basculer dans la guerre », prévient-il. C’est là sans doute l’une des explications à la réaction très tardive des autorités RD congolaises suite à ces explusions. Kinshasa craint la puissance militaire de Luanda. A fortiori en période pré-électorale et dans un contexte où les relations entre Joseph Kabila et Joao Lourenço sont exécrables.
Enfin, un son de cloche encore différent est donné à travers le compte rendu de la 18ème réunion extraordinaire du conseil des ministres présidée à Kinshasa par le chef de l’Etat (hors mandat) Joseph Kabila. A en croire ce document, les autorités RD congolaises n’auraient pas été informées par leurs homologues angolais de la mise en oeuvre de ces opérations d’expulsion. Et celles-ci de déplorer que les usages diplomatiques n’ont en l’espèce pas été respectés, ce qui n’a pas permis, selon Kinshasa, d’organiser la prise en charge correcte des victimes.
Selon ce même compte-rendu, les chiffres officiels des expulsés congolais d’Angola, tels que rapportés par le ministre Henri Mova, sont les suivants : 160 901 rentrés volontaires ; 27 971 expulsés brutalement dont 1 966 orientés vers la province du Kwango et un nombre mal défini vers la province du Kwilu. Il n’est en revanche pas fait allusion dans ce compte-rendu aux déplacés de Kamako dans la province du Kasaï central.
Ainsi, entre indignation, feinte ou sincère, et prudence, le gouvernement RD congolais hésite sur la position à tenir vis-à-vis des expulsions massives de Congolais en Angola. Cependant, une nouvelle fois, il fait la démonstration de son incapacité à protéger son propre peuple. En attendant, le président (hors mandat) Joseph Kabila se garde bien, lui, de prendre la parole sur ces événements. Sans doute craint-il de froisser son puissant voisin à deux mois désormais de la date théoriquement prévue pour la tenue des élections.